Mais deux études, l'une britannique et l'autre israélienne, montrent que la réalité n'est pas si simple. Les automobilistes qui savent qu'un piéton ou un cycliste les voit ont plutôt tendance à accélérer et à ne pas céder le passage, parce qu'ils pensent qu'il y a moins de risques d'accident.

Mais deux études, l'une britannique et l'autre israélienne, montrent que la réalité n'est pas si simple. Les automobilistes qui savent qu'un piéton ou un cycliste les voit ont plutôt tendance à accélérer et à ne pas céder le passage, parce qu'ils pensent qu'il y a moins de risques d'accident.

«En général, les manuels de prévention suggèrent aux piétons et aux cyclistes de chercher à capter le regard des automobilistes, afin de les amener à leur céder le passage», explique Ian Walker, psychologue à l'Université de Bath, en Angleterre, en entrevue téléphonique. «Curieusement, personne n'a pensé à vérifier quel effet le regard a sur les automobilistes.»

En explorant la littérature scientifique, M. Walker a trouvé une étude israélienne des années 70 selon laquelle l'automobiliste qui sait qu'un piéton le regarde a moins tendance à freiner et à céder le passage. «Si le piéton ne le regarde pas, l'automobiliste ignore s'il sait qu'une voiture arrive, alors il va ralentir pour être plus certain, dit M. Walker. Dans le cas contraire, que ce soit par manque de civisme ou pour laisser plus rapidement la voie libre au piéton, l'automobiliste va passer tout droit.»

Sa propre étude, faite en simulateur de conduite auprès de 19 cobayes, a ajouté un élément au problème : l'indécision. «Voir le visage de quelqu'un fait intervenir des régions du cerveau liées à la sociabilité, dit M. Walker. Ça prend considérablement d'énergie et ça diminue les réflexes. Il se pourrait que le défaut de céder le passage quand on voit le visage d'un piéton est en partie dû à cette indécision, qui nous empêche de freiner.»

Ces résultats peuvent aussi expliquer l'efficacité de la conduite automobile. «Ça me frappe toujours de constater qu'il y a si peu d'accidents de la route, alors qu'il y a tellement d'occasions d'en faire, dit M. Walker. En comparaison, il y a beaucoup plus de bousculades entre piétons maladroits sur les trottoirs achalandés. Ça peut être lié au fait qu'on voit rarement les visages des autres automobilistes, et donc qu'on n'est pas distrait par les signaux sociaux qui leur sont associés.»

Le psychologue britannique a utilisé dans son expérience des images de cyclistes qui se trouvaient à une intersection en T. «La plupart des collisions impliquant des cyclistes surviennent aux intersections. Nos résultats signifient que les cyclistes pourraient être mieux protégés s'ils portaient des lunettes fumées, qui limiteraient les distractions des automobilistes et amélioreraient leurs réflexes. De même, les motocyclistes pourraient avoir avantage à porter des casques couvrant tout le visage, plutôt que ceux qui n'ont qu'une sangle sous le cou.»

La prochaine étape des travaux de M. Walker est l'étude de l'interaction entre piétons et automobilistes sur les passages cloutés. «Un grand débat existe sur la question de ce que signifie céder le passage : faut-il s'arrêter, ou simplement ralentir suffisamment pour que le piéton traverse en sécurité? Certains piétons préfèrent qu'il n'y ait plus de voitures en mouvement dans la rue avant de traverser. Il faut en tenir compte dans nos analyses, sinon on va se retrouver avec des modèles qui ne reflètent pas la réalité. Dans des rues achalandées, il est illusoire de penser que les automobilistes s'arrêteront chaque fois qu'un piéton veut traverser. Sinon, ça devient presque une rue piétonnière.»