Quel fiasco! Neuf ans après une avalanche de discours ronflants et optimistes, la fusion entre Daimler-Benz (Mercedes) et Chrysler menace de se détacher. En fait, a-t-elle déjà été correctement cimentée?

Quel fiasco! Neuf ans après une avalanche de discours ronflants et optimistes, la fusion entre Daimler-Benz (Mercedes) et Chrysler menace de se détacher. En fait, a-t-elle déjà été correctement cimentée?

Depuis 1998, près d'un million d'emplois ont été supprimés, selon le cabinet d'études Challenger Gray & Christmas, et de nombreuses usines ont été fermées dans la branche américaine de l'union. Voici Mercedes engluée dans une série de problèmes, alors que, restée célibataire, elle coulerait des jours heureux grâce à son exceptionnelle gamme de voiture, presque sans fausse note, des Classe A à S.

Mercedes n'en serait pas là aujourd'hui si, Jürgen Schrempf, patron de Daimler-Benz n'avait décidé de s'acoquiner avec Chrysler, le plus petit mais aussi, et surtout, le plus fragile des trois grands constructeurs américains, déjà sauvé du naufrage à plusieurs reprises.

Mais, en 1998, l'industrie automobile s'est convertie au gigantisme. Sans lui, point de salut.

Les constructeurs allemands devinrent les grands prêtres de cette théorie qui dériva en lutte entre les trois chapelles locales: BMW, Mercedes et Volkswagen. À leur tête, trois patrons à l'ego démesuré, prêts à tout pour surenchérir sur l'autre. Bernd Pischetsrieder (à l'époque à l'emploi de BMW) s'y est brûlé les ailes en ratant son pari anglais avec Rover, pour ensuite être enrôlé (puis congédié par la suite) par celui a qui a mis le feu aux poudres, Ferdinand Piëch (VW).

Ce dernier, devenu un temps le plus grand prédateur de l'histoire automobile (achat de Bentley, Lamborghini, Bugatti, après bien d'autres), a rendu fou de jalousie Jürgen Schrempf, patron du premier groupe industriel européen Daimler-Benz. Schrempf a voulu frapper fort et a jeté son dévolu sur Chrysler, Mitsubishi (prise de participation à hauteur de 34%) et Hyundai (10%). Schrempf voulait produire une gamme complète de voitures sur trois continents. Quel coup! Mais une fois l'effet passé, comment a-t-on pu croire que l'effet de synergie, évoqué dès que deux entités se rapprochent, pourrait marcher?

Il n'y a rien de commun entre Mercedes et Chrysler: rigueur et rayonnement mondial pour l'Allemand, fantaisie et dépendance étroite du marché américain pour l'autre. Autant quand Nissan et Renault convolent, excepté les différences culturelles, il est aisé de trouver des points de convergence (conception commune de modèles, réseaux de distribution complémentaires, etc.), autant pour Mercedes et Chrysler, on bute. On bute toujours. Pour l'instant, les anciens châssis de la E (Chrysler 300, Dodge Magnum et Charger) de la SLK (Crossfire), des moteurs diesel d'origine Mercedes dans quelques Jeep et Chrysler en Europe et maintenant en Amérique. C'est maigre.

Aujourd'hui la direction du géant germano-américain «n'exclut aucune option» au sujet de Chrysler. Pas même celle de la céder, si l'on prête foi à la rumeur, le groupe automobile aurait déjà mandaté la banque d'affaires JP Morgan pour trouver un acheteur et - surprise - on raconte que General Motors et l'Alliance Renault-Nissan sont sur les rangs. Info ou intox? Allez savoir.

Malgré la grogne de certains actionnaires allemands qui souhaitent ni plus ni moins une vente rapide de la filiale américaine, la direction de DaimlerChrysler ne bougera pas. Pas avant la fin de l'année prochaine. Pas question de torpiller le plan de redressement annoncé la semaine dernière, baptisé «massacre de la Saint-Valentin» par la presse américaine. D'ici là, le constructeur américain aura lancé ses nouvelles fourgonnettes (Caravan et Town & Country) qui, cette fois, ne pourront, à elles seules redresser comme il y a 20 ans, les finances de son constructeur. Ce segment de marché est en perte de vitesse et rien n'indique qu'il reprendra de la vigueur. Il y aura aussi le lancement - très attendu - de la Dodge Challenger et, peut être la concrétisation d'une alliance avec le groupe chinois Geely pour la commercialisation d'une sous-compacte. Pas de quoi redresser les comptes.

À la réflexion, BMW a bien vendu Rover et Ford ne cache pas son désir de céder sa filiale Aston-Martin. Pourquoi Mercedes n'en ferait pas autant avec Chrysler? Simple hypothèse, mais Mercedes n'a pas besoin de personne pour exister. Et ses actionnaires le savent trop bien.

Il y a neuf ans, dans un superbe fascicule de 12 pages le groupe germano-américain racontait comment il allait détourner les pièges de la fusion qui «dans 78 % des cas ne tient pas ses promesses», comme le précisait Jürgen Schrempf...