Ces dernières décennies, Detroit ne l'a pas eue facile. Il y a eu l'arrivée des Japonais, puis celle des Coréens. Et bientôt, ce sera les Chinois. Et un nouvel acteur pourrait émerger aux États-Unis, peut-être dans la Silicon Valley.

Ces derniers mois, les coups d'éclat venant de la côte Ouest n'ont pas manqué. Du côté législatif, notamment. Ce sont justement les fameuses normes californiennes, qui visent à réduire la consommation d'essence, qui sont en train de donner naissance à une industrie automobile parallèle: celle des voitures électriques.

Déjà trois projets d'envergure

Il y a trois ans, un multimillionnaire de la bulle Internet s'est lancé dans le projet de vendre des centaines d'exemplaires d'une luxueuse décapotable entièrement électrique et dont la technologie reposerait essentiellement sur des piles similaires à celles des ordinateurs portatifs.

 

Tesla Motors, qui travaille à son projet de roadster depuis ce temps, a toutefois dû repousser sa date de lancement au printemps prochain. Le mois dernier, l'entreprise a annoncé que la transmission du bolide tout électrique n'était pas assez fiable. Pour les critiques, c'est la preuve que ce n'est pas sérieux, ce que dément Tesla.

 

«On prévoit déjà produire une deuxième voiture électrique, une petite berline familiale, dans une usine au Nouveau-Mexique, explique Robert Kosh, de Tesla Motors. On veut la mettre en marché en 2010. Pour le roadster, on va utiliser la transmission du prototype, qui fonctionne très bien.»

 

L'automne dernier, un autre richissime Californien, ancien cadre de la multinationale informatique SAP, a annoncé un investissement de 200 millions afin de «révolutionner l'industrie des véhicules électriques». Shai Agassi ajoutait: «Detroit est un pôle manufacturier. Je pense que ce dont nous avons besoin ne peut pas être fait de cette façon. Ça prend une approche Internet, une approche à la Google.»

 

M. Agassi a lancé le programme «Project Better Place» afin d'accélérer la vente de voitures électriques. Puisque les piles semblent l'élément-clé de cette technologie, M. Agassi compte créer un système de location et d'échange de ces piles. Autrement dit, on achète la voiture, on loue la pile. Des projets devraient voir le jour d'ici à 2009, notamment en Israël et à Hawaii.

 

Enfin, le mois dernier, au Salon de Detroit, deux sociétés californiennes ont dévoilé la Karma, un croisement entre une voiture à propulsion hybride, une sportive haut de gamme et une familiale. Fisker Automotive, qui a dessiné la Karma, utilise des piles semblables à celles de Tesla. Elles sont cependant alimentées par un moteur à essence, au besoin.

Des effets positifs jusqu'ici

L'influence des milliardaires de la Silicon Valley sur l'automobile se fait déjà sentir à Detroit. Elle a même un nom: Chevrolet Volt.

 

Ce projet de voiture électrique de la société General Motors est un rejeton presque direct du roadster électrique de Tesla Motors. Un cadre supérieur de GM aurait vu le roadster et aurait ensuite eu l'idée de créer un véhicule similaire. Depuis, la Volt a plusieurs fois été encensée par la direction de GM, qui voit là une façon de battre son rival Toyota jusque sur le terrain de l'énergie de remplacement.

 

Le Québec n'est pas indifférent non plus. À Saint-Jérôme, un pôle industriel spécialisé dans les technologies de transport avancé mise gros sur la voiture électrique. Le Centre d'expérimentation des véhicules électriques du Québec (CEVEQ) a d'ailleurs exposé un roadster Tesla au Salon de l'auto de Montréal, il y a deux semaines.

 

«Pour faire face au défi de la pollution automobile, le gouvernement devra prévoir des normes d'émission des véhicules beaucoup plus sévères, estime Pierre Lavallée, directeur du CEVEQ. Nul doute que la sensibilisation effectuée à l'occasion du Salon de l'auto a permis de convaincre les gens que ce virage écoénergétique est technologiquement possible et essentiel.»

 

Ce n'est pas un hasard si M. Lavallée a fait une telle déclaration. C'est le même message que tente de faire passer la Silicon Valley au reste des États-Unis.