L'audition du président de Toyota devant le Congrès des États-Unis a servi de prétexte aux parlementaires américains pour «casser du Japonais» afin de plaire à leurs électeurs, comme au plus fort des tensions commerciales des années 1980, accusaient jeudi les médias nippons.

Le PDG Akio Toyoda est sorti relativement indemne de ses trois heures de témoignage devant la commission de la Chambre des représentants qui enquête sur l'affaire des véhicules Toyota défectueux. Mais voir les représentants le montrant du doigt et élevant la voix - deux attitudes considérées comme grossières par les Japonais - a été perçu avec irritation dans l'archipel.

 

Le quotidien conservateur à grand tirage Yomiuri Shimbun accusait jeudi le gouvernement de Washington d'exciter les Américains à «casser du Toyota» pour détourner leur attention des problèmes de chômage aux États-Unis. «Toyota est traité en paria total», regrettait le Yomiuri. Le quotidien évoquait notamment «les télévisions qui diffusent en boucle le témoignage larmoyant d'une femme du Tennessee racontant une terrifiante expérience en 2006, quand sa Lexus a accéléré soudainement».

 

Pour le magazine Nikkei BP, le témoignage de M. Toyoda était «l'occasion rêvée pour les parlementaires américains en quête d'un nouveau mandat de montrer à leurs électeurs qu'ils montent au front». Et de leur «offrir le spectacle de la justice écrasant le mal».

 

Depuis le début de la crise, médias et bloggeurs japonais sont très critiques envers Toyota qu'ils accusent de ruiner l'image du Japon. Mais ils s'émeuvent aussi des déclarations à l'emporte-pièce de responsables américains, tel le sénateur de l'Illinois Bob Rush affirmant que «des véhicules en qui l'on a confiance peuvent se transformer, littéralement, en machines à tuer».

 

«Il est évident que les Américains cassent du Toyota», se plaint sur son blogue un internaute nippon, qui juge notamment «stupide» la publication à outrance de photos du PDG de Toyoda courbé devant les journalistes.

 

Les médias occidentaux ont en effet presque tous affirmé, photos à l'appui, que M. Toyoda s'était «prosterné» lors d'une conférence de presse le 29 janvier pour s'excuser. Cela n'a jamais été le cas: les images en question montrent simplement le PDG en train de s'incliner brièvement à son arrivée pour saluer l'assistance, comme il est d'usage au Japon.

 

Les journaux nippons rappellent que Toyota emploie directement et indirectement près de 200 000 personnes aux États-Unis. Et que le gouvernement de Washington contrôle General Motors, un des grands concurrents de Toyota. «Au fond, les Américains en veulent aux Japonais de les avoir dépassés si rapidement en matière d'automobiles, avait déclaré début février le maire de Tokyo, le nationaliste Shintaro Ishihara. S'il s'était agi de Ford ou de General Motors, cette affaire n'aurait pas fait un tel foin», avait-il ajouté.

 

L'affaire Toyota rappelle aux Japonais les tensions commerciales exacerbées entre leur pays et les États-Unis dans les années 1980. Les images d'ouvriers automobiles américains démolissant à coups de bâton de baseball des voitures japonaises d'importation restent bien ancrées dans les mémoires.

 

Le témoignage de M. Toyoda devant le Congrès, rarissime pour un chef d'entreprise japonais, pourrait toutefois pousser les groupes nippons à améliorer leurs pratiques, estime Hiroyuki Okada, professeur d'économie et de politique internationale à l'Université Hosei. Toyota «devrait considérer l'interrogatoire devant le Congrès comme une occasion d'acquérir ce qui est bon dans le système américain de gouvernance des entreprises», juge-t-il.