La médecine arrive de mieux en mieux à contrôler les douleurs chroniques. Mais, très souvent, les médicaments sont tellement puissants que les patients doivent limiter la conduite de leur automobile.

Asokumar Buvanendran veut changer cela. L'anesthésiste de l'école de médecine Rush, à Chicago, voit des milliers de patients chaque année à sa clinique de la douleur. Grâce aux progrès de la science pharmaceutique, il parvient à redonner une vie normale à un nombre croissant d'entre eux. Il veut maintenant qu'ils puissent conduire leur voiture sans être obligés d'attendre plusieurs heures après avoir pris leurs médicaments antidouleur.

«Les médicaments ont de moins en moins d'effets secondaires, explique le Dr Buvanendran en entrevue téléphonique. Les patients se sentent assez bien pour reprendre leurs activités ordinaires, leur travail. C'est particulièrement important pour les conducteurs d'autobus et de camions. Les opiacés sont de plus en plus utilisés en Amérique du Nord pour des douleurs chroniques. Et il y a aussi de plus en plus d'opérations de chirurgie d'un jour qui nécessitent que le patient attende un certain temps avant de partir, s'il n'a pas quelqu'un pour le reconduire, à cause de l'anesthésie. Alors, j'ai voulu vérifier si les restrictions à la conduite automobile sont vraiment nécessaires.»

Au Québec, par exemple, la SAAQ prévient que «parmi les médicaments les plus susceptibles de détériorer les performances du conducteur, on retrouve les antidépresseurs, les antipsychotiques ou tranquillisants majeurs», ajoutant qu'il «faut craindre l'effet d'accumulation des sédatifs».

Les résultats préliminaires sont encourageants. «Il semble que les patients s'habituent aux opiacés, comme la morphine, dit l'anesthésiste. Au départ, ils affectent leurs capacités de conduire. Mais après quelques semaines, les réflexes reviennent à la normale. Les centres cognitifs du cerveau se font aux médicaments.» Les tests ont été faits sur un simulateur de conduite modifié, de façon à reconnaître les conducteurs en état d'ébriété. Des tests de conduite d'une durée de 12 minutes n'ont pas montré de différence de performance entre des patients sous médication depuis quelques semaines et un groupe contrôle. Environ 100 cobayes ont pris part à l'expérience.

Mais les changements ne seront pas immédiats. Dans un premier temps, le Dr Buvanendran veut vérifier l'impact des opiacés à plus court terme, par exemple après une opération ne nécessitant pas d'hospitalisation. Ensuite, seulement, il suivra des milliers de patients pendant plusieurs années pour voir si leur taux d'accidents routiers est différent de la normale.

«Ça va prendre plusieurs années, dit le Dr Buvanendran. Mais si on veut changer les règles du jeu de l'industrie des assurances et des autorités de la sécurité routière, il faut avoir des preuves solides. La situation ne peut aller qu'en s'améliorant.»