Après 19 saisons et plus de 4000 invités plus tard, The Ellen DeGeneres Show diffusera son tout dernier épisode jeudi. Un moment qui s’annonce riche en émotions (préparez vos mouchoirs), et qui devrait créer un sacré vide dans bien des salons. Retour sur un phénomène médiatique qui a vu passer tout le gratin hollywoodien, avec ses hauts, ses bas, et ce qu’on en retiendra. En quatre temps.

Les bons coups

Par où commencer ? En près de 20 ans, Ellen DeGeneres, avec ses pantalons propres et ses nombreux vestons, sans oublier ses pas de danse maladroits, a dansé avec Michelle Obama, cuisiné avec Bradley Cooper, fait l’épicerie avec Oprah. Elle a aussi fait manger du gazon à Adele et chanté des chansons de Noël avec Britney. Bref, fait défiler, dans des contextes toujours décontractés, les plus grandes vedettes des États-Unis. Mais ce n’est pas tout. Blessée, elle a carrément animé son émission de son lit d’hôpital. Et si on a souvent bien ri, on a aussi chaudement pleuré, dans cette quotidienne aussi généreuse que divertissante, et en prime diversifiée, suivie par plus de 1 million de téléspectateurs sur NBC. Notamment quand elle a reçu, souvenez-vous, un survivant de la tuerie homophobe d’Orlando. « Elle me fascine ! », lance l’humoriste Marie-Lyne Joncas, qui regarde quasi religieusement chaque épisode. « Quand j’étais jeune, mon rêve, c’était d’être elle. J’aimerais être la Ellen DeGeneres du Québec. » L’humoriste et animatrice souligne à la fois le style, la « nonchalance », le côté « détendu » en plus de la générosité d’Ellen DeGeneres, de qui elle s’inspire ouvertement. « Quand j’anime, il y a beaucoup d’elle derrière… »

Ellen à travers le temps
  • En janvier 2020, Ellen DeGeneres a reçu le prix Carol Burnett pour l’excellence en télévision à la cérémonie des Golden Globes.

    PHOTO MIKE BLAKE, ARCHIVES REUTERS

    En janvier 2020, Ellen DeGeneres a reçu le prix Carol Burnett pour l’excellence en télévision à la cérémonie des Golden Globes.

  • Ellen DeGeneres a reçu le prix du meilleur talk-show en 2007 aux prix Emmy.

    PHOTO KEVORK DJANSEZIAN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Ellen DeGeneres a reçu le prix du meilleur talk-show en 2007 aux prix Emmy.

  • En 2014, le selfie d’Ellen DeGeneres aux Oscars a été la photo la plus partagée sur Twitter à l’époque.

    PHOTO TIRÉE DE TWITTER

    En 2014, le selfie d’Ellen DeGeneres aux Oscars a été la photo la plus partagée sur Twitter à l’époque.

  • Hillary Clinton et Ellen DeGeneres en octobre 2016

    PHOTO ANDREW HARNIK, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Hillary Clinton et Ellen DeGeneres en octobre 2016

  • Le 44e président des États-Unis, Barack Obama, avec Ellen DeGeneres en 2016

    PHOTO PABLO MARTINEZ MONSIVAIS, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

    Le 44e président des États-Unis, Barack Obama, avec Ellen DeGeneres en 2016

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Le grand coup

PHOTO NICHOLAS KAMM, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Barack Obama décerne la médaille de la Liberté à Ellen DeGeneres en 2016.

Mais au-delà de tout cela, et pour plusieurs observateurs, le plus grand legs d’Ellen DeGeneres est ailleurs. Ou plutôt avant. C’est son existence même qu’on retient. Ou plutôt son existence publique. « C’est le premier modèle lesbien grand public en Amérique du Nord ! », rappelle la chroniqueuse culturelle Eugénie Lépine-Blondeau, qui a carrément adressé une lettre d’amour à Ellen DeGeneres il y a quelques années sur les ondes de l’émission On dira ce qu’on voudra, à ICI Première. Son coming out « crucial » annoncé en une du Time Magazine en 1997 (« Yep, I’m gay », une sortie du placard inédite qui lui a valu son lot d’insultes, en plus de lui faire perdre peu de temps après sa sitcom, Ellen) – un « coup énorme » – a eu un effet « incommensurable » au sein de la communauté LGBTQ+, dit-elle. « Moi, quand j’ai compris l’existence d’Ellen DeGeneres, à l’adolescence […], je me souviens m’être sentie soulagée qu’elle existe, qu’elle s’affiche, et qu’elle n’ait pas peur d’en parler. […] Et la raison pour laquelle je me suis juré de ne jamais me cacher comme femme lesbienne, c’est à cause d’elle. C’est sûr. Il y a d’autres modèles qui m’inspirent. […] Mais par rapport à mon identité, le modèle numéro un, c’était Ellen. » Pour cause : « Pendant près de 20 ans, elle a rassemblé des gens de tous les horizons avec ce slogan : Be kind. Elle a toujours eu cette intention d’inclusion, cette ouverture, et pour moi, c’est exceptionnel. »

D’ailleurs, quand le président Barack Obama lui a décerné la médaille de la Liberté en 2016, Eugénie Lépine-Blondeau en a pleuré. « Je braillais ma vie, vraiment. Il a rappelé tout son parcours, et c’était vraiment émouvant. » Même son de cloche de la part de la journaliste et chroniqueuse Judith Lussier, pour qui Ellen DeGeneres est un « modèle extraordinaire qui a beaucoup fait avancer les droits LGBTQ+ ». « Elle est entrée dans le foyer des gens et ç’a été exceptionnel. […] Voir une femme lesbienne s’exprimer comme ça dans les médias, c’est sûr que ça m’a donné confiance d’être moi-même et de célébrer qui je suis. »

Regardez le discours de Barack Obama

Le départ dans un climat de controverse

PHOTO TIRÉE DE TWITTER

En octobre 2019, Ellen DeGeneres a été photographiée aux côtés du 43e président des États-Unis, George W. Bush lors d’une partie de football.

Il n’empêche qu’Ellen DeGeneres n’a pas un parcours sans tache. Ou disons que son capital de sympathie s’est sensiblement « effrité » depuis quelques années. Et tous les observateurs interrogés l’ont noté. On se souvient qu’en 2020, son émission a perdu plus de 1 million de téléspectateurs en six mois, à la suite des allégations, rapportées par Buzzfeed, de 36 ex-employés concernant le « climat toxique », le harcèlement, le racisme et les microagressions sur son plateau. L’enquête, menée par Warner Media, s’est d’ailleurs soldée par le licenciement de trois producteurs délégués. C’est ce qui s’appelle tomber de haut pour une apôtre de la soi-disant gentillesse. « C’est toujours un peu décevant quand quelqu’un qu’on aime nous déçoit, d’autant plus quand c’est quelqu’un qui défend les minorités, et qui en est une elle-même », analyse Sandrine Galand, experte en culture pop et autrice du Féminisme pop, pour qui le scandale fait écho à l’affaire Pascale Nadeau chez nous.

Mais pour la chercheuse, cette histoire, à laquelle s’ajoute un « autre scandale », soit cette fameuse « amitié » entre Ellen DeGeneres et George W. Bush (autre coup dur à sa popularité), révèle en fait autre chose, qui relève surtout de l’« intersectionnalité » : « Elle DeGeneres n’est pas qu’une femme lesbienne, conclut-elle. Elle est surtout blanche, célèbre et riche. Elle est surtout une “identité” riche, si l’on peut dire, plus qu’une “identité” queer. » Identité qui serait, selon elle (et sans minimiser l’impact « énorme » qu’elle a eu auprès de la communauté LGBTQ+), à l’origine de son succès, et de sa longévité, auprès de la frange plus « traditionnelle » américaine. D’ailleurs, elle n’est pas trop inquiète pour son avenir. « Elle va s’en remettre ! »

La finale

PHOTO MICHAEL ROZMAN, FOURNIE PAR WARNER BROS.

L’animatrice pendant le tournage d’un épisode de l’ultime saison de The Ellen DeGeneres Show.

« Quand on a commencé cette émission en 2003, l’iPhone n’existait pas. Les réseaux sociaux n’existaient pas. Le mariage gai n’était pas légal. Nous avons regardé le monde changer, parfois pour le meilleur, parfois pas », a écrit récemment l’animatrice de 64 ans, l’une des humoristes les plus populaires (et riches !) de la planète, sur son fil Twitter (dans les 10 plus suivis du monde, devant Kim Kardashian, Selena Gomez et CNN), en guise de remerciements à ses (plus ou moins) fidèles spectateurs. « Mon but a toujours été de faire un show où nous pourrions tous nous réunir, et rire pendant une heure. M’inviter dans vos vies a été le plus grand privilège de ma vie, et m’a apporté une incroyable joie. Merci. Merci. Merci. » Pendant les derniers jours et sur cet ultime plateau, qui a fait l’objet de moult spéculations, on s’attend à voir défiler les tout premiers invités (2003) de l’émission (un peu à la manière de David Letterman, autre icône télévisuelle, dans sa propre finale en 2015), à savoir Jennifer Aniston et P!nk (à qui l’on doit la musique du générique), en plus des habituels complices. On pense à Oprah Winfrey, Kate McKinnon, Justin Timberlake, Zac Efron, Billie Eilish, Bruno Mars et plusieurs autres. Sans parler de toutes les surprises, aussi drôles que touchantes, carte de visite de l’émission dont le slogan est Be kind (soyez gentil !). Une émission qui a gagné tellement de prix Emmy qu’on a arrêté de compter, même si elle a perdu de ses plumes dans les deux dernières années.

Le dernier épisode sera diffusé ce jeudi sur les ondes de CTV, à 16h.