Ce fut rigolo et touchant. Sensible et divertissant. Sobre et surprenant. Vraiment, ce 35e Gala des prix Gémeaux en formule pandémique intime mérite un gros ruban d’excellence, à défaut de pouvoir lui attribuer, eh oui, un Gémeaux.

Élégante toute en blanc ou toute en noir, la solide Véronique Cloutier a insufflé le ton approprié à cette efficace soirée – ça roulait au quart de tour –, où il fallait amuser les téléspectateurs sans oblitérer la présence du virus qui rôde encore. Encore là, trop d’allusions à la pandémie, et les gens (assommés, déprimés) auraient zappé. Véro et son équipe ont bien dosé tous ces éléments.

PHOTO ERIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Véronique Cloutier

Bonus : il n’y a pas eu de scandales, ou si peu, comme le blanchissage de Fragile, dans la liste des gagnants. J’analyse tout ça un peu plus loin dans le texte.

De retour au studio 42, les concepteurs ont habilement caché la distanciation en utilisant la grande pastille circulaire et les images bluffantes de réalité augmentée qui en sortaient. En plus, cette scénographie ingénieuse nous a évité la longue course effrénée du lauréat qui part du fin fond de la salle pour venir cueillir son prix.

Pour lancer ce chaleureux gala de 2 h 05 min, une vignette préenregistrée a témoigné du rôle primordial d’accompagnement et de divertissement qu’a joué – et que jouera encore, hélas ! – la télévision en période de confinement. Doux moment.

Dans son monologue d’ouverture, Véronique Cloutier a saupoudré quelques gags piquants sur un texte plus bienveillant qu’à l’habitude. Normand Brathwaite éteint dans ses pubs d’Ancestry, la fin de carrière de Lucie Laurier ou l’interminable saga de l’écoute électronique dans District 31, la maîtresse de cérémonie a tiré la pipe à quelques têtes couronnées. Il le fallait. Trop de tétage, de dégoulinage de bons sentiments, et on aurait décroché.

Plusieurs bonnes idées ont jalonné cette célébration de la télévision d’ici, dont le « café avec nos nommés » et ce vibrant hommage aux services de l’information de TVA et Radio-Canada sur la pièce Face au vent de Louis-Jean Cormier, accompagné de Mélissa Bédard et de Marième. Magnifique.

  • Simon-Olivier Fecteau et Michel-Olivier Girard, le « gars des pubs d’A & W »

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    Simon-Olivier Fecteau et Michel-Olivier Girard, le « gars des pubs d’A & W »

  • Sophie Cadieux

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    Sophie Cadieux

  • Antoine L’Écuyer

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    Antoine L’Écuyer

  • Michel Charette

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    Michel Charette

  • Geneviève Schmidt

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    Geneviève Schmidt

  • France Beaudoin

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    France Beaudoin

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Certains duos de présentateurs ont visé dans le mille, dont Marie-Eve Janvier et Katherine Levac de L’amour est dans le pré, très comiques dans leur agressivité passive. Bien aimé également l’échange acide entre Simon-Olivier Fecteau et le gars des pubs d’A & W (Michel-Olivier Girard), même si la référence datait de neuf mois.

Dieu merci, aucun numéro de variétés n’a interrompu le déroulement du gala, un autre effet positif de cette version repensée des Gémeaux.

Maintenant, parlons des vainqueurs et des oubliés, car plusieurs surprises ont ponctué cette fête du petit écran. D’abord, C’est comme ça que je t’aime a remporté le prestigieux prix de la meilleure série dramatique, se glissant devant Fragile de Serge Boucher. Trophée mérité pour cette œuvre super originale et atypique, même si j’avais prédit la victoire à Fragile, qui a mordu la poussière dans les catégories de pointe. Et si Fragile ne ramasse que des miettes, ça démontre à quel point le calibre était fort.

La tête d’affiche de Fragile, Marc-André Grondin, a perdu contre le jeune Antoine L’Écuyer, si bouleversant en jeune schizophrène dans la minisérie Mon fils à TVA.

Étrangement, C’est comme ça que je t’aime a récolté presque toutes ses statuettes – sauf une – dans les galas autrefois appelés « hors d’ondes ». Dimanche après-midi, les deux cerveaux de cette délicieuse série, Jean-François Rivard (réalisation) et François Létourneau (texte), ont été salués par l’Académie.

Pendant la soirée des artisans de jeudi soir, C’est comme ça que je t’aime a passé le râteau dans les prix techniques (maquillage, coiffure, costumes, décors, son, montage, direction photo, distribution).

J’étais certain que Marilyn Castonguay, la redoutable Huguette Delisle à l’œil de tigre de C’est comme ça que je t’aime, remercierait au micro dimanche soir. Erreur. C’est plutôt Florence Longpré, la violente Ada de l’excellente série M’entends-tu ? à Télé-Québec, qui a été remarquée.

Encore ici, rien de choquant dans ce choix. Ces deux actrices ont été épatantes. Et Florence Longpré a offert d’amusants remerciements : « j’ai pas mis de brassière, liberté » !

En plus de recevoir le prix du public, District 31 a été sacré meilleur téléroman. C’était le Gémeaux le plus facile à deviner. Ce feuilleton policier accomplit des miracles au quotidien.

Michel Charette a ajouté de la quincaillerie dorée sur son manteau de cheminée grâce à son rôle de Bruno Gagné dans District 31. La bête noire de Bruno Gagné de la saison dernière, la terrifiante (feue) Nancy Riopelle (Geneviève Schmidt), a également été décorée dans le gala d’après-midi (oui, il y a trois galas séparés pour distribuer tous les Gémeaux, c’est beaucoup trop).

Autre événement étonnant : Marina Orsini, l’Anémone/Manon d’Une autre histoire, a notamment mis au tapis Catherine Proulx-Lemay (District 31), Maude Guérin (5e Rang) et Hélène Bourgeois Leclerc (Toute la vie).

Comme prévu, Lâcher prise et la drôlatique Sophie Cadieux ont brillé en comédie. Gracieuse, Sophie Cadieux a dédié son prix à sa collègue Sylvie Léonard, qui a été injustement snobée cette année.

Fabien Cloutier a répété son exploit de l’an dernier pour son touchant rôle dans Léo à TVA, coiffant Guy Nadon de La Maison-Bleue.

Soirée magique pour France Beaudoin, qui gagné pour l’animation du magazine culturel Pour emporter sur ARTV ainsi que pour l’émission du 31 décembre d’En direct de l’univers.

Troisième gain d’affilée pour La vraie nature dans la section des émissions d’entrevues et talk-show. L’émission chauffée par Jean-Philippe Dion a été préférée à Bonsoir bonsoir !, Tout le monde en parle et Rétroviseur, entre autres.

Pour l’animation d’une téléréalité, ni Marie-Ève Janvier ni Jay Du Temple n’ont séduit le jury. Le prix a plutôt été attribué à Élyse Marquis et Daniel Vézina de l’émission Les chefs ! Je ne l’avais pas vue venir, celle-là. Au micro, Élyse Marquis a été hyper touchante, ce qui a donné un joli moment de télé.

Choisi pour Le tricheur, Guy Jodoin a confié avec humilité qu’il s’agissait de son premier Gémeaux comme animateur de jeu.

Il y a énormément de talent chez nos artisans. Aussi diffusé dimanche soir, le gala des Emmy, plombé par des problèmes de son et des Zoom instables, n’est pas arrivé à la cheville des Gémeaux.