La décision de Télé-Québec de tirer un trait sur l'émission scientifique Électrons libres soulève un tollé parmi les communicateurs scientifiques. Dans une lettre ouverte, des signataires, notamment rattachés à l'Association des communicateurs scientifiques du Québec, à l'Association francophone pour le savoir (ACFAS), au Coeur des sciences de l'Université du Québec à Montréal et au magazine Québec Science affirment que le diffuseur public se « défile » de sa responsabilité de développer la culture scientifique québécoise.

Diffusé depuis l'automne 2016, le magazine Électrons libres est animé par Pierre Chastenay, Marianne Desautels-Marissal et Rabii Rammal et traite des avancées scientifiques québécoises. L'émission est une évolution de l'ancien magazine Le code Chastenay. Et elle ne sera pas renouvelée l'automne prochain.

« En septembre 2018, pour la première fois depuis 10 ans, aucun magazine scientifique ne sera présenté à l'antenne de Télé-Québec », déplorent les signataires. Ils rappellent que le mandat de Télé-Québec inclut de « développer le goût du savoir » et de « favoriser l'acquisition des connaissances ». À l'heure des fausses nouvelles, ils soulignent l'importance de développer la culture scientifique - un objectif inscrit dans la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation du gouvernement Couillard.

L'ACFAS avait déjà acheminé une lettre à Télé-Québec en février, dans laquelle elle qualifiait le retrait de l'émission de « fort dommageable ». « Il est dommage que l'émission Électrons libres soit retranchée de la programmation, car elle contribuait intelligemment à nous faire connaître la recherche d'ici et à nous aider à mieux comprendre le monde dans lequel nous vivions », a aussi dit à La Presse le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion.

CAP SUR GÉNIAL !

Télé-Québec se défend de tourner le dos à la science. En 2017, son jeu-questionnaire Génial ! est passé de un à quatre jours par semaine, et sera diffusé cinq jours par semaine à l'automne.

« L'an dernier, on avait une heure et demie de contenus originaux dédiés à la science. On le fait passer à deux heures et demie l'an prochain. Alors c'est un peu étonnant d'affirmer qu'on se retire de la science. On le fait différemment, bien sûr, mais on n'en aura jamais fait autant », dit Denis Dubois, directeur général des programmes à Télé-Québec.

M. Dubois affirme que le succès d'Électrons libres n'est pas en cause. L'émission attirait 68 000 téléspectateurs lorsqu'elle était diffusée le mardi soir. À l'automne dernier, elle a été déplacée le vendredi soir. Elle attire depuis 65 000 téléspectateurs, et le changement d'horaire a fait grimper sa part de marché de 2 % à 2,7 %.

« C'est une très bonne performance pour ce type de produit, on en est très satisfaits. La décision que nous avons prise est stratégique. Nous sommes une télévision généraliste et nous devons assurer un équilibre face à d'autres thématiques », dit M. Dubois.

Les signataires de la lettre reconnaissent la pertinence de Génial !, mais affirment qu'il s'adresse à un public plus jeune et ne met pas en valeur la recherche québécoise. Les Fonds de recherche du Québec (FRQ), qui distribuent des fonds publics pour la recherche, accordent environ 50 000 $ par année à Électrons libres. Une réunion entre les FRQ et Télé-Québec s'est tenue hier pour explorer la possibilité de faire passer ce partenariat à l'émission Génial ! et, peut-être, y inclure du contenu sur la recherche québécoise.

Photo archives Le Soleil

Les animateurs du magazine Électrons libres, Rabii Rammal, Pierre Chastenay et Marianne Desautels-Marissal

Les signataires de la lettre dénonçant la décision de Télé-Québec

Stéphanie Thibault, présidente de l'Association des communicateurs scientifiques du Québec

Félix Maltais, fondateur du mouvement éducatif Les Débrouillards

Isabelle Vaillancourt, éditrice des magazines Les Débrouillards, Les Explorateurs et Curium

Sophie Malavoy, directrice du Coeur des sciences de l'UQAM

Josée-Nadia Drouin, directrice générale de l'Agence Science-Presse

Hervé Fischer, président de Science pour tous

Jean-Marc Fleury, titulaire de la Chaire de journalisme scientifique Bell Globemedia, Université Laval

Marie Lambert-Chan, rédactrice en chef du magazine Québec Science