Une BBC à la française? Alors que l'audiovisuel français se cherche un nouveau visage, en pleine réforme initiée par l'Élysée, le mastodonte britannique est souvent cité en exemple, fort de sa réputation d'excellence et d'indépendance.

Premier groupe audiovisuel public au monde, la BBC est devenue en 95 ans d'existence une référence mondiale malgré une aura parfois écornée par des scandales, comme une culture de la déférence qui a favorisé les agissements pédophiles de son ex-star Jimmy Savile ou le dernier en date concernant les inégalités salariales entre hommes et femmes.

De l'information aux émissions de variétés en passant par les documentaires, la production de séries, les compétitions sportives ou les cours d'anglais en ligne, toute la production de la British Broadcasting Corporation est tournée vers le service au public, qu'elle a pour mission d'éduquer, de divertir et d'informer sans pression politique ou commerciale.

«C'est une culture très forte» au sein du groupe, explique à l'AFP Jean Seaton, professeure d'histoire médiatique à l'université de Westminster et historienne de la BBC. «Il s'agit de délivrer le meilleur au public» en donnant une voix à tous.

Née en 1922, la «Beeb» - aussi surnommée affectueusement «Auntie» (Tata) - emploie plus de 21 000 personnes et coiffe neuf chaînes de télévision nationales, dont une exclusivement en ligne, une cinquantaine de radios et un site internet très populaire.

Sa feuille de route est déterminée par une Charte royale, dont une nouvelle version est entrée en vigueur en 2017 pour 11 ans. Un conseil d'administration, dont certains membres sont nommés par le gouvernement, désigne le directeur général et arrête la stratégie.

«Le gouvernement a une grande influence sur la façon dont la BBC compose son conseil d'administration, fixe ses priorités stratégiques et sa structure éditoriale», relève Tom Mills, maître de conférences en sociologie à l'Université d'Aston, à l'AFP.

Talon d'Achille

La vénérable institution, qui revendique une audience globale de 372 millions de personnes, a notamment assis sa réputation sur sa rigueur journalistique, une de ses activités phares.

Son financement fondé essentiellement sur la redevance, payée par tous les Britanniques, assure son indépendance. Une manne de 3,8 milliards de livres pour l'exercice 2016-17, à laquelle s'ajoute 1,2 milliard de livres d'activités commerciales et de recettes publicitaires (à l'étranger uniquement).

Mais c'est aussi son talon d'Achille, estime Tom Mills. Car le gouvernement fixe le niveau de la redevance et l'a gelée pendant six ans avant de l'augmenter à 147 livres par an en 2017, obligeant la BBC à engager une cure d'austérité avec licenciements à la clé.

La redevance s'érode aussi face à la révolution numérique et aux nouveaux modes de consommer la télévision, face à quoi le groupe tente de réagir en investissant dans la technologie.

«Soft power»

Le célèbre World Service, ou service international, qui lui a donné un immense rayonnement à l'étranger, avait aussi été rattrapé par l'austérité jusqu'à ce que le gouvernement débloque fin 2015 une subvention de 289 millions de livres jusqu'en 2020.

Punjabi, yoruba, coréen, pidgin... la BBC opère désormais en plus de 40 langues, après le lancement de 12 nouveaux services l'an dernier, la plus grande expansion depuis les années 1940.

Objectif: une audience mondiale de 500 millions de personnes d'ici à 2022 en développant des activités numériques, radio et télévision en Corée du Nord, en Russie, au Proche-Orient et en Afrique.

«C'est très important pour la réputation du Royaume-Uni dans le monde», relève Tom Mills, évoquant «un instrument de soft power».

«Ce financement a été décidé avant le Brexit (...) mais maintenant, cette expansion pourra aussi aider le Royaume-Uni» après sa sortie de l'UE, souligne Abdullahi Tasiu Abubakar, maître de conférences à la City University de Londres.

Mais la Beeb soulève aussi passions et critiques de certaines de ses couvertures, comme celle de la campagne du référendum du Brexit, en juin 2016: «Bon nombre de gens ont trouvé que la BBC avait manqué à son devoir d'informer le public britannique parce qu'elle semblait accepter telles quelles les affirmations des partisans d'une sortie de l'UE, sans les remettre sérieusement en question», selon Ivor Gaber, enseignant en journalisme de l'université du Sussex.