Canal D diffusera vendredi un docufiction sur la mort de Joleil Campeau, assassinée en 1995 à l'âge de 9 ans. Un meurtre résolu 16 ans après le drame. La Presse a parlé à sa mère, Donna Sénécal, auteure de Joleil, 9 ans pour toujours, qui a accepté de revenir sur cette tragédie.

L'histoire donne froid dans le dos. Après sa journée d'école, le 12 juin 1995, Joleil Campeau demande à sa mère si elle peut rejoindre ses amies, qui se trouvent à quelques minutes à pied de leur maison d'Auteuil, à Laval. Donna Sénécal plante des fleurs dans son jardin. Ce n'est pas la première fois que sa fille quitte seule le domicile. Elle accepte, en demandant à Joleil de rentrer à 17 h 25.

La fillette de 9 ans opine, s'en va. Elle ne voit pas tout de suite ses amies, décide de poursuivre son chemin, passe à côté d'un petit bois. C'est là qu'elle croisera le chemin de son agresseur, qu'elle ne connaît ni d'Ève ni d'Adam. On la retrouve quatre jours plus tard, noyée dans la vase d'un ruisseau. 

«Je l'ai entendue s'en aller sur un bonheur d'enfant, nous raconte Donna Sénécal au cours d'un entretien téléphonique. On venait de fêter mon anniversaire la veille, elle avait passé ses examens le matin même, elle était légère. J'étais en train de planter des impatientes roses au même moment où elle se faisait agresser. Je croyais que la terre était un grand gâteau au chocolat et que les fleurs que je mettais étaient des bougies. J'étais dans le bonheur par-dessus les oreilles pendant qu'elle mourait d'une manière ignoble.»

Sur la piste du tueur

Malgré les efforts combinés de la police de Laval, de la Sûreté du Québec et de centaines de bénévoles, impossible de retrouver l'assassin de la petite Joleil. Le film de Loïc Guyot, une «reconstitution» du drame interprétée par des acteurs professionnels, s'intéresse aux nombreuses opérations policières étalées sur une vingtaine d'années qui ont finalement mené à l'arrestation d'Éric Daudelin, en 2011. Puis à sa condamnation à la prison à vie en 2014.

Pourquoi avoir accepté de participer à ce documentaire? «Le film est beaucoup axé sur le travail des policiers, nous dit Donna Sénécal, qui travaille aujourd'hui comme éducatrice en garderie. C'est un aspect que je n'avais pas abordé dans mon livre, dans lequel je parlais beaucoup de Joleil et du deuil que j'ai dû faire.» Est-ce que le film a rouvert la blessure?

«Oui, ça m'a ébranlée, mais comme je comprenais le travail du producteur, je n'ai eu aucun problème. Quand j'ai vécu cette tragédie, j'étais dans un drame policier.»

Donna Sénécal se souvient des premières journées qui ont suivi la disparition de sa fille. «Je tremblais par en dedans, nous dit-elle. Ç'a été tellement difficile, se rappelle-t-elle, parce que j'étais la dernière personne à l'avoir vue vivante, j'étais donc dans la mire des enquêteurs. Je comprenais la situation, mais je savais que ce n'était pas moi et que pendant ce temps, l'assassin courait...» Donna Sénécal passera même le test du polygraphe avant que les policiers poursuivent leur enquête.

Joleil Campeau: mon histoire traite en effet de long en large du travail des policiers qui, après avoir identifié des suspects, ont rouvert l'enquête 16 ans après le drame - en 2011 - et qui ont piégé l'assassin dans une opération de trois mois et demi menée par des agents doubles.

Daudelin, qui avait été arrêté deux semaines après le meurtre pour avoir enlevé et agressé une adolescente de 15 ans, s'est finalement confié dans le 45e scénario élaboré par les policiers, qui se faisaient passer pour les membres d'une organisation criminelle.

Est-ce que le fait de connaître les circonstances du meurtre de sa fille lui a causé plus de tort que de bien?

«Quand Daudelin décrit les circonstances du meurtre, je reconnaissais ma fille, je reconnaissais ses mouvements. Je me disais, "c'est là que t'étais quand je te cherchais". Ça devenait visible, c'est tout. Mais je ne peux pas pleurer plus que j'ai pleuré, ajoute-t-elle la voix tremblante. Je ne suis pas la seule personne qui a perdu un enfant. Ça fait partie de la vie, malgré les circonstances tragiques de cette mort-là.»

La force de la foi

Il reste que la vie de Donna Sénécal a basculé. Avec son conjoint de l'époque (qui n'était pas le père de sa fille), elle a essayé d'avoir d'autres enfants, mais ça n'a pas fonctionné. Cinq ans après la mort de Joleil, elle s'est séparée de lui.

Comment a-t-elle survécu à ces épreuves? «Ma foi, répond Donna Sénécal. C'est la plus grande force que j'ai. Et puis je devais avancer. Je me suis toujours dit, si je dois ressusciter, je veux le faire aujourd'hui, je veux le faire dans ma vie terrestre. De rentrer dans un nouvel état, c'est ce que je tente de faire. Il faut laisser sa peine de côté, la regarder et en prendre soin. Aujourd'hui, tout ce que j'ai donné à Joleil, j'essaie de le transmettre aux enfants que je côtoie en garderie.»

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Joleil Campeau: mon histoire sera diffusé sur Canal D le 12 janvier à 21 h, puis rediffusé le 14 janvier à 4 h et à 23 h ; le 16 janvier à 4 h et le 18 janvier à minuit.