Depuis 29 ans, l'émission phare du matin à TVA, Salut Bonjour, accompagne les Québécois à leur réveil. Quand l'actualité devient violente, comme lors de l'attentat de Québec, au début de la semaine dernière, Gino Chouinard - qui est à l'animation depuis 10 ans - s'efforce d'être la voix des gens et d'avoir un ton rassurant et informatif. Tour guidé des coulisses d'une émission qui a pour mission de lancer votre journée dans le bonheur et le réconfort.

La nuit

Il n'est pas 5 h quand La Presse arrive à la loge de Gino Chouinard et de ses chroniqueurs. À l'extérieur, le soleil n'est pas levé, la ville est encore plongée dans le sommeil. Gino, comme plusieurs autres membres de l'équipe de Salut Bonjour, est à TVA depuis près d'une heure. Avec sa recherchiste attitrée, Marie-Pier Cayer, il a déjà survolé l'actualité du jour pour mettre à jour l'ordre des segments de l'émission à la réunion de production de 5 h 15.

En réunion, moins de 45 minutes avant le début de l'émission, Marie-Pier Cayer résume la séquence du jour, alors que l'équipe responsable de la réalisation et du contenu propose de nouvelles interventions. «J'essaie toujours d'être dans la tête des gens à la maison. En fait, je n'essaie pas, je le suis. [...] Je suis convaincu que je rejoins la majorité des gens [avec mes interventions et les questions que je pose], puis quand j'ai un doute, je vais sur la page Facebook de l'émission pour lire les commentaires. Je suis proche des gens, leurs préoccupations sont les miennes. Ça guide le ton de l'émission», explique Gino Chouinard.

Alors que les premières lueurs du jour éclairent tranquillement le centre-ville de Montréal, l'équipe qui entoure Gino Chouinard - une véritable armée de travailleurs - s'assure que tout sera prêt pour l'animateur et son équipe au moment d'entrer en ondes. Romina Roumier, maquilleuse depuis 27 ans à TVA (et depuis 18 ans au petit matin), connaît bien son animateur chouchou. «Gino, il est tellement adorable, surtout quand il s'endort sur ma chaise. On dirait un petit garçon qui essaie de faire une sieste. Mais c'est rare que ça arrive! Parfois, le lundi matin, quand il a eu un dimanche soir arrosé, il est un peu plus amorphe, mais une fois que la caméra s'allume, c'est un autre gars! Il prend son café, mange son yogourt, je lui dis aussi de boire beaucoup d'eau, parce que l'eau, ça réveille. [...] Mais sinon, avec le temps, il n'a jamais changé. Il est toujours le même», raconte-t-elle.

Les matins se suivent, mais ne se ressemblent pas. Parfois, l'actualité du jour est violente, comme lundi dernier, quand le Québec s'est réveillé en constatant l'ampleur du tragique attentat qui avait frappé une mosquée de Québec, où six Québécois de confession musulmane ont été tués par balle. La Presse a recontacté Gino Chouinard ce jour-là, pour qu'il nous explique comment il s'était préparé à son émission. «Ces dernières années, ce matin a été l'émission avec le plus d'émotions. Nous avions une grande responsabilité. Le ton que nous avons voulu avoir en ondes se voulait non alarmant, réconfortant, mais avec, en même temps, une dose d'incompréhension par rapport à ce qui s'était passé. On parle souvent de ces événements-là, mais ils viennent d'ailleurs. Là, c'était dans notre cour. [...] Il fallait être informatif, mais avoir du doigté émotif dans notre livraison», a-t-il dit.

En ondes

Il est 5 h 59. Plus qu'une minute avant le début de l'émission, qui se terminera quatre heures plus tard. Les membres de l'équipe crient «bon show, tout le monde!», alors qu'ils sont situés aux quatre coins du studio et sur le toit de TVA. Ils ont tous une caméra individuelle pour les premières minutes de diffusion. «Je suis comme un capitaine pour [mes collègues], quelqu'un qui est très à l'écoute de ses joueurs. J'essaie de les "challenger", mais je leur répète souvent que leur importance à l'émission est encore plus grande que la mienne. Moins j'ai besoin de pousser, meilleurs ils sont, plus je peux m'occuper de mes responsabilités, c'est-à-dire faire des passes à tout le monde», résume Chouinard.

Exprimer ou ne pas exprimer ses opinions personnelles? À l'ère des opinions tous azimuts qui pullulent dans les médias, Gino Chouinard s'est lui aussi posé la question. Comment, après 10 ans à la barre de Salut Bonjour, peut-il renouveler son approche et son ton, toujours dans l'optique d'accompagner les auditeurs dans la bonne humeur? «Tu sais, ce matin, la nouvelle sur la politique de la SAAQ qui interdit à ses employés de dire "monsieur" ou "madame" aux clients, à la suite d'une plainte d'une personne transgenre? Ça me jette à terre. Je ne suis peut-être pas moderne, mais je me dis: voyons donc, tu ne veux pas faire de cas d'exclusion, mais là, une seule personne se plaint et tu vas empêcher tous les autres d'avoir droit à une marque de respect normale? Avant, je n'aurais pas exprimé mon opinion à ce sujet. Maintenant, je l'exprime. Je laisse sentir ce que je pense avec un silence, une intonation», résume-t-il.

En ce matin de janvier où nous avons suivi l'équipe de Salut Bonjour le long de l'émission, tout se déroule en suivant les ingrédients types d'une journée type de l'hiver québécois. La météo capricieuse et d'importantes chutes de neige entraînent la fermeture d'écoles dans la région de Montréal, le chroniqueur aux sports Daniel Melançon donne des nouvelles fraîches du Canadien en ouverture d'émission, la chroniqueuse culturelle Marie-Christine Proulx nous apprend que la diva nationale du Québec, Céline Dion, publie de nouvelles dates de concert pour une tournée à venir en Europe, puis le chroniqueur aux réseaux sociaux, Mathieu Roy, présente la vidéo d'un petit animal mignon qui trende sur les réseaux sociaux. On a peut-être ici les ingrédients d'une recette gagnante.

De tous les chroniqueurs que l'on voit tous les jours à l'écran, Joanie Gonthier est la seule qui passe ses matins dehors - qu'il fasse -30 °C ou bien 40 °C - pour affronter les intempéries. En ce jour de grisaille, installée sur le toit de TVA avec son caméraman, elle enfile plusieurs couches pour livrer à Salut Bonjour et sur LCN les bulletins météo. «Après cinq heures passées dehors, tu es brûlée. En plus, j'ai de la difficulté à dormir l'après-midi, ça fait que mon sommeil [en est perturbé]. Par contre, c'est vraiment un privilège de travailler avec cette équipe. Gino me renvoie la balle chaque fois qu'il le peut. Ça me fait sentir parmi eux, dans l'équipe, même si je ne suis pas physiquement là. Ça contribue à rester de bonne humeur», explique-t-elle.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Il est 5 h 59. Plus qu'une minute avant le début de l'émission, qui se terminera quatre heures plus tard. Les membres de l'équipe crient «bon show, tout le monde!», alors qu'ils sont situés aux quatre coins du studio et sur le toit de TVA. Ils ont tous une caméra individuelle pour les premières minutes de diffusion.

Dans l'ombre

On ne le voit pas en ondes, mais on l'imagine fort bien. Présenter chaque matin quatre heures d'émission n'est pas le travail d'un seul animateur et d'une poignée de chroniqueurs. Derrière eux pour les soutenir, les alimenter en informations, en encouragements et en café, une armée de travailleurs est sur le plateau, en régie et dans les coulisses pour assurer le bon déroulement de l'émission. Pendant une pause, la chroniqueuse culturelle Marie-Christine Proulx, accompagnée de l'animateur Gino Chouinard, de la recherchiste Marie-Pier Cayer et de Pierre Boutin, assistant de production de plateau, prend un selfie pour l'envoyer (on imagine) sur les réseaux sociaux de l'émission. Quand le sourire fléchit et que la fatigue monte, explique Gino Chouinard, l'équipe est primordiale pour maintenir le niveau d'énergie.

Une fois par jour, l'équipe de Salut Bonjour accueille sur le plateau un invité de marque - souvent un artiste - pour l'un des segments de l'émission. Assurer la coordination de l'arrivée de cet invité et s'assurer qu'il est à l'aise est le devoir de Suzy Léveillé, hôtesse à l'émission et employée de TVA depuis 30 ans. L'invité du jour, le chanteur Étienne Drapeau, propose à Gino Chouinard de faire quelques pas de danse (à sa plus grande surprise), sous le regard amusé de l'équipe. «Ça, ce n'était pas prévu», nous glisse à l'oreille un membre de l'équipe technique.

À moins de dix mètres du plateau, l'équipe de réalisation travaille d'arrache-pied dans une petite pièce adjacente - la régie - où des décisions de dernière seconde se prennent pour que ce qui est présenté en ondes soit le plus lisse et le plus naturel possible.

Gestionnaire des médias sociaux, Alexandra Polémon anime la page Facebook de l'émission et répond parfois aux téléspectateurs qui écrivent des messages, des commentaires ou posent des questions. Pendant certains segments, cette passionnée des réseaux sociaux se rend aussi sur le plateau, où elle prend des photos et des vidéos qui sont ensuite publiées en ligne.

Quelques minutes avant 10 h, après quatre heures en ondes, Salut Bonjour se conclut. Si l'équipe est visiblement vidée de son énergie, la journée est loin d'être terminée. D'autres réunions se succéderont, alors que l'équipe du jour prépare les prochains sujets et les prochains invités. Dans le cas de Gino Chouinard, il doit encore assister à une réunion avant de quitter la station. En fin d'après-midi, il commencera alors à jouer son deuxième rôle: celui de papa.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Pendant une pause, la chroniqueuse culturelle Marie-Christine Proulx, accompagnée de l'animateur Gino Chouinard, de la recherchiste Marie-Pier Cayer et de Pierre Boutin, assistant de production de plateau, prend un selfie pour l'envoyer (on imagine) sur les réseaux sociaux de l'émission.