La série télévisée Hatufim, qui a inspiré Homeland, est l'exemple le plus marquant de l'intérêt des États-Unis pour les séries israéliennes. Pour son créateur Gideon Raff, le succès de la fiction et de son adaptation a été «un miracle».

«Rien de ce qui s'est passé à propos de Hatufim ou Homeland n'est fréquent. Cela a été surtout un miracle», a souligné Gideon Raff, 39 ans, dans un entretien avec l'AFP à l'occasion du MIPTV, le salon audiovisuel international de Cannes.

Hatufim (Prisoners of War en anglais) raconte l'histoire de deux prisonniers israéliens, libérés après 17 ans de captivité au Liban. Ils doivent apprendre à surmonter leurs traumatismes et se réintégrer dans la société.

Diffusée en Israël depuis 2010, la série a inspiré l'américaine Homeland, couronnée aux Emmy Awards et aux Golden Globes, qui met en scène une femme agent de la CIA et un militaire américain soupçonné de préparer un attentat terroriste contre les États-Unis.

Gideon Raff a vendu les droits pour l'adaptation américaine avant même le tournage de la saison 1 de Hatufim.

«Je vivais à Los Angeles, où j'ai étudié pendant deux ans», raconte l'Israélien, qui a réalisé deux films avant le succès de sa série.

«J'ai écrit Hatufim, et assez vite on m'a demandé de traduire le premier épisode en anglais», qui a intéressé Alex Gansa et Howard Gordon, auteurs et producteurs qui avaient travaillé sur 24. Gideon Raff a ensuite été associé à l'adaptation et la création de Homeland.

«Créativité»

D'autres séries israéliennes avaient déjà été adaptées avant aux États-Unis, comme Betipul, chronique de la thérapie de cinq patients diffusée en 2005, qui avait inspiré In Treatment. Ou encore Ramzor, sur trois amis trentenaires, qui a donné Traffic Light.

Mais «le succès de Homeland a vraiment ouvert la porte pour de plus en plus de séries» israéliennes, juge Gideon Raff.

Pour lui, l'intérêt des Américains s'explique car «Israël est un si petit marché», avec «de si petits budgets», et «pourtant nous concurrençons les productions européennes et américaines».

«Nous devons être très créatifs en Israël dans la manière dont nous racontons les histoires, dont nous les filmons et dont nous les présentons au public. Ce qui intéresse les États-Unis et le monde dans les formats israéliens, c'est cette créativité», ajoute-t-il.

Hatufim est cependant différente de sa soeur américaine par bien des aspects: Homeland est plus centrée sur le terrorisme, tandis que la version israélienne «traite beaucoup plus de la question du stress post-traumatique» et «met aussi largement l'accent sur les familles» des prisonniers libérés et sur leurs «dilemmes», souligne Gideon Raff.

«Certaines choses ne collaient pas pour un public américain», ajoute-t-il, rappelant qu'en Israël, «nous négocions pour le retour des prisonniers de guerre, nous manifestons», alors qu'aux États-Unis, «ce n'est pas un sujet national sensible».

Les budgets, non plus, ne sont pas comparables. «Le budget pour deux saisons de Hatufim est inférieur à celui du pilote de Homeland», souligne son créateur.

«Aux États-Unis, vous écrivez l'épisode et vous le filmez simultanément. En Israël, je dois écrire toute la saison d'abord», explique-t-il.

Pour Gideon Raff, qui s'estime «très chanceux», le «success story» ne s'arrête pas là: il travaille actuellement à une nouvelle série américaine sur une famille installée au Moyen-Orient, Tyrant, dont le pilote sera réalisé par Ang Lee.