C'est connu dans le milieu de la télévision, Fabienne Larouche est une personne très exigeante. Envers elle-même et envers ses collaborateurs. La cadence de travail trop rapide et les limites budgétaires imposées par l'auteure et productrice ont toutefois poussé 17 personnes à claquer la porte des décors de la télésérie Trauma 4,le mois dernier.

De ces 17 employés, 3 occupaient des postes de direction: la conceptrice visuelle et décoratrice Louise Marie Beauchamp, la productrice déléguée, Anouk Brault, et le directeur de production, Jean-Yves Dolbec. Toujours cet été, la deuxième assistante à la réalisation a dû quitter son poste pour surmenage, et le régisseur des lieux de tournage n'a pas renouvelé son contrat, car ses patrons exigeaient qu'il travaille sans son assistante.

Les insatisfactions sur le plateau de Trauma 4 ont déboulé sur une dizaine de plaintes à l'Association québécoise des techniciens de l'image et du son (AQTIS), qui a dû intervenir, à la fin du mois de juillet, pour calmer les tensions.

«Les plaintes concernaient la cadence de travail trop rapide et la façon dont le plateau était dirigé. L'élimination de certains postes occasionnait aussi des surcharges de travail. L'ambiance n'était pas bonne», confie le directeur général de l'AQTIS, Jean-Claude Rocheleau.

Précision ici: le départ des 17 personnes n'a jamais interrompu le tournage de Trauma 4, toujours sous la houlette du réalisateur François Gingras. Aucun mouvement chez les comédiens non plus.

Collaboratrice de Fabienne Larouche depuis la première saison de Trauma, Louise Marie Beauchamp jonglait avec des budgets amoindris et devait encore éliminer du gras, ce qu'elle affirme avoir fait. «Mais Fabienne voulait que je coupe encore 50 000$. Je lui ai dit: Fabienne, la seule chose que tu peux encore couper, c'est moi. Et elle a dit: O.K.», relate Louise Marie Beauchamp, qui a qualifié d'«invivable» l'ambiance de travail, cet été.

Elle a ainsi quitté Trauma le 20 juillet, et la dizaine de gens qui travaillaient sous ses ordres au service artistique l'ont suivie.

«Les exigences de Fabienne étaient irréalistes. C'est la première fois dans l'histoire des productions de Fabienne Larouche qu'il y a un mouvement de solidarité comme ça», note la productrice déléguée de Trauma, Anouk Brault, qui a travaillé sur Les Bougon, 30 vies et Virginie, toutes des séries produites par Aetios, la compagnie Fabienne Larouche et de son mari, Michel Trudeau.

Anouk Brault, la fille du cinéaste Michel Brault (Les ordres), a dit à Fabienne Larouche qu'il vaudrait peut-être mieux qu'elle s'en aille, car elle se sentait incapable d'imposer les volontés de sa patronne aux techniciens. «Elle m'a dit qu'il vaudrait en effet peut-être mieux que je parte. Mais ça s'est quand même bien passé», se souvient Anouk Brault, qui a aussi «démissionné» le 20 juillet.

Jeudi après-midi, une page Facebook intitulée «mardi gras de Fabienne Larouche» a été mise en ligne afin de permettre aux employés mécontents de ventiler sur la «culture d'entreprise d'Aetios et sur ceux qui la dirigent». Les créateurs de cette page n'ont pas dévoilé leur identité et n'ont pas répondu à la demande d'entrevue de La Presse.

Hier, Fabienne Larouche et Michel Trudeau, qui produisent 30 vies, Unité 9 et Trauma pour Radio-Canada, ont refusé de commenter cette campagne de «salissage et de dénigrement». Même mutisme à la SRC.

«C'est une page Facebook anonyme, car les gens ont très peur de Fabienne. Elle a trois émissions à Radio-Canada et elle fait vivre la moitié du bottin de l'UdA. Le but de la page, ce n'est pas de raconter des ragots. C'est plutôt que les gens s'expriment, car c'est très difficile de discuter avec Fabienne. On la voit très peu lors des productions, elle est inexistante. Et dans les réunions, ça ne va pas tellement en profondeur», explique Louise Marie Beauchamp, qui n'a pas peur des conséquences de cette sortie publique.

«Je suis sûre que Fabienne va me poursuivre. Mais c'est la vérité, je dis la vérité», conclut-elle.