Trauma, diffusée à Radio-Canada dès mardi, 21 h, découle d'un réel traumatisme.

«Mon mari Michel (Trudeau) a fait une rupture d'anévrisme, il y a 10 ans, alors que nous étions en ski à Tremblant. Quand nous sommes arrivés à l'hôpital, une équipe nous attendait, raconte Fabienne Larouche. C'est une médecine de guerre que je ne connaissais pas. Chaque geste que ces gens-là font est lourd de conséquences... Ils travaillent avec la vie, mais ils font face à la mort tous les jours. Il faut être fait fort pour travailler dans de telles conditions de stress. Ce sont des héros, mais des héros fragiles, malgré tout. Ils se soignent en guérissant les autres. En tout cas, c'est ce qu'ils font, dans ma série...»

Au cours des 10 dernières années - dont quatre consacrées à l'écriture -, l'auteure s'est liée d'amitié avec quelques traumatologues. Elle a pu les observer au travail, et s'en inspirer pour concevoir sa galerie de personnages qui hantent les couloirs et salles d'opération du centre hospitalier Saint-Arsène. Julie Lemieux (Isabel Richer) y est chef du département de chirurgie. Elle travaille avec son mari, le neurochirurgien Mathieu Darveau (Jean-François Pichette) et l'excellent mais pas toujours sobre Pierre Meilleur (James Hyndman), tout en supervisant l'apprentissage des résidents, parmi lesquels Sophie Léveillée (Laurence Leboeuf), qui «voit» son père suicidé chaque fois qu'elle opère, et l'hypocondriaque Étienne Labrie (Yan England). Le chef du département de psychiatrie, Antoine Légaré (Gilbert Sicotte), sert autant de guide et de formateur auprès des résidents que de narrateur à certains moments, dans la série - ce qui n'est évidemment pas sans rappeler la façon de faire dans Grey's Anatomy.

En s'attaquant à une nouvelle série à saveur médicale, Fabienne Larouche était très consciente du défi à relever pour offrir non seulement un produit de qualité, mais aussi pour apporter sa touche à un genre qui s'est décliné en 1001 moutures au petit écran, au fil des ans, de E.R. à Private Practice. «J'offre une variation sur un même thème, je le sais, mais je n'ai pas non plus l'impression d'avoir signé une pâle copie de Grey's Anatomy ou de Dr House. Et ce n'est surtout pas Urgence, 15 ans plus tard!» tient-elle à préciser.

Pas question, donc, de faire un éditorial sur le système de la santé et sa gestion, comme c'était le cas dans Urgence, à l'époque. «Dans Trauma, je me suis vraiment intéressée au médecin», répète-t-elle.

L'humain derrière le médecin

Pour les besoins de sa cause, l'auteure s'est imposé certaines contraintes d'écriture, notamment celle de boucler une histoire en un épisode. Elle a également choisi d'opposer deux idées dans chacune des 10 émissions. L'action s'articule autour de ces deux pôles clairement identifiés: la témérité et la prudence, la laideur et la beauté, la foi et le néant, la vérité et le mensonge ou encore les doutes et les certitudes, par exemple. Fabienne Larouche force ainsi ses personnages à révéler l'humain qui se cache derrière le médecin.

«Les histoires entrent par la porte de la salle des urgences, mais je voulais que mes personnages les vivent aussi de l'intérieur. Le clash entre les deux idées ont des répercussions, des échos dans la vie personnelle de chacun, ce qui me permet de lever petit à petit le voile sur qui ils sont, explique-t-elle. On va comprendre pourquoi Meilleur (Hyndman) boit comme il le fait, mais aussi pourquoi Julie est devenue la chirurgienne qu'elle est, entre autres.»

Au huitième épisode, l'auteure soulèvera plusieurs questions éthiques lorsqu'un pédophile battu à mort, ou presque, sera transporté à l'hôpital. «Le médecin n'est pas là pour juger les gens qui se retrouvent en salle d'opération, mais si Julie passe le bistouri à un résident, ce jour-là, est-ce que ce n'est pas une forme de jugement qu'elle pose? Et si la main de ce résident tremble, reprendra-t-elle le contrôle de l'opération? C'est cet aspect philosophique de leur travail et de leur nature humaine que j'ai pris plaisir à explorer», soutient Fabienne Larouche.

Cette dernière savait qu'elle n'avait pas les moyens de tourner en ville et dans les ambulances. Elle s'est donc concentrée sur «son» hôpital, où tout a été tourné en mode cinéma - ce qui rehausse la facture visuelle de la série.

«La salle d'opération vient de Baltimore. Ça nous a coûté 35 000$ pour la faire venir, la faire monter et la retourner là-bas, mais elle est vraiment belle! s'exclame fièrement la productrice, à l'autre bout du fil. Je ne voulais pas d'un endroit vieux et sombre. Déjà que les thèmes abordés ne sont pas jojos, je voulais que mes personnages évoluent dans un lieu lumineux et moderne.»

En attendant de savoir si Radio-Canada voudra une suite, Fabienne Larouche peaufine déjà l'écriture de la deuxième saison de Trauma.