En août 2007, plutôt que d'entrer en ondes à Énergie, comme ils le faisaient depuis 15 ans, Mario Tessier et José Gaudet ont amorcé l'écriture de Complices, leur deuxième spectacle d'humour en carrière. Loin des contraintes qu'exige une quotidienne radiophonique, ils ont pris le temps de créer un spectacle à leur nouvelle image.

Jusqu'à leur dernière émission du retour à la maison, à Énergie, en mai 2007, les Grandes gueules étaient une machine à pondre des gags. Leur quotidienne, extrêmement populaire (jusqu'à 114 700 auditeurs au quart d'heure, selon BBM), exigeait de Mario Tessier et José Gaudet 10 heures de travail acharné, du lundi au vendredi. Une heure de lunch ? Un luxe pour ces gars qui mangeaient bien souvent en vitesse sur le coin d'une table, en compagnie de leurs quatre scripteurs.Leur départ d'Énergie a changé leur routine du tout au tout, mais ne les a pas tenus éloignés, bien longtemps, de l'humour. Car rapidement après l'annonce de leur retraite de la radio, Tessier et Gaudet ont décidé de retourner sur scène.

Pour ne pas regretter leurs habitudes radiophoniques et éviter la déprime, ils ont alors décidé de se réunir dans un des bureaux d'Astral (propriétaire d'Énergie) et de se mettre au travail le jour même où Dominic et Martin, successeurs des Grandes gueules, faisaient leur entrée en ondes ! «C'était un 18 août, lance José Gaudet. On s'en souvient, car c'est normalement la grande journée de la rentrée radio. On voyait tous les animateurs stresser.»

Travailler dans ses anciens locaux, n'est-ce pas prouver qu'on regrette un peu sa décision d'avoir quitté les ondes ? «Non, c'est motivant de sortir de chez soi pour travailler, répond Mario Tessier. À la maison, il y a les enfants.»

Un changement dans leur routine toutefois : les Grandes gueules se sont donné du temps pour écrire les numéros, sketches et gags de leur nouveau spectacle. «L'ambiance de travail était relax, confie Gaudet. Les premiers mois, on lançait simplement des idées. À notre premier lunch, on est sortis au resto et on s'est même payé du vin et un martini !»

La scène avant la télé

Plutôt que de remonter sur scène, les Grandes gueules auraient pu devenir animateurs à temps plein à la télévision. Ciao, Darwin et Dieu merci ! sont parmi les nombreux concepts qui leur ont été offerts, à l'annonce de leur départ d'Énergie. Les offres à la radio ne se sont pas faites rares non plus. «Elles provenaient de toutes les stations», affirme Tessier.

«Il n'y a que Radio Ville-Marie et le FM 103,3 de Longueuil qui ne nous ont pas appelés ! lance à la blague Gaudet. C'était non pour l'instant. On voulait faire autre chose. Mais on va assurément refaire de la radio, un jour, et sous un format différent. La mécanique était très pesante à Énergie. On écrivait quatre sketches par jour. C'était intense.»

Outre à la barre du gala Artis d'avril prochain, à TVA, et dans le film Noémie de Frédérik D'Amours, dans lequel ils tiennent un petit rôle, on ne verra pas Tessier et Gaudet ailleurs que sur scène, au cours des prochains mois. Faire un spectacle leur tentait trop. Un «two-men show» qui se détache de ce qu'ils faisaient à la radio et de ce qu'ils ont présenté sur scène (plus de 200 fois) au début des années 2000. «On avait moins d'expérience à l'époque, raconte Tessier. C'était un show Club Med, un party. Cette fois, on voulait que quelque chose reste. On a veut avancer professionnellement. On veut montrer qu'on peut faire autre chose.»

Les Grandes gueules se présentent désormais sous un nouveau visage au public. Les Nricke, Jean-Marie Biensur, Jocelyne et Ti-Rouge ne sont jamais très loin, mais ils cognent moins souvent à la porte. Ils parlent de transition en décrivant leur nouveau spectacle qui comporte des numéros aux styles d'humour différents. «On s'assume plus, dit Gaudet. On se présente sur scène en José et Mario. Je ne veux pas que faire Jocelyne. J'aime la lasagne, mais je veux aussi manger du pâté chinois ! Ça fait un spectacle plus polyvalent.»

Spectacle dans lequel on entendrait moins de grossièretés ou de gags gratuits que dans le précédent ! «Ce spectacle est aussi une transition dans la façon d'aborder les thèmes, explique Gaudet. Plus jeunes, on était plus hard. Mais maintenant que j'ai des enfants, il y a certaines choses que je ne veux pas qu'ils entendent. Je le trouve très propre, notre show.»

«On se demande maintenant si un gag a sa raison d'être, ajoute Tessier. Avant, on ne se posait pas la question et on fonçait. Il y a un souci du détail, dans ce spectacle. Je ne dis pas qu'on a touché Dieu chaque fois, mais on est contents ! On a fait nos devoirs.»

Ils sont loin, les gags de la piñata à l'effigie de Denise Bombardier (lors d'un gala Les Olivier il y a quelques années) et de la chanson A m'énarve (imitation de René Angélil sur l'air de I'm Alive de Céline Dion). Deux idées qui ont causé du trouble et valu des critiques au duo d'humoristes. Manque de jugement, clament les GG. «Parfois, on tient pour acquises des blagues qu'on trouve drôles», note Tessier.

«On s'est rendu compte que, à la télé, on doit faire plus attention à ce qu'on raconte, car les gens n'ont pas forcément syntonisé le poste pour nous, contrairement à la radio où on nous choisissait. Dans ces cas-là, on a zéro réfléchi.»

Hommage à leurs idoles

Les Grandes gueules auraient donc tourné leur langue quelques fois dans leur bouche avant de concocter les gags de Complices. La conception de leur spectacle les a, par ailleurs, menés devant des profs de musique, de chant et de danse ! Notamment à cause d'un numéro-cabaret rendant hommage à Dean Martin et Jerry Lewis, des idoles. «Petit, Jerry Lewis, c'était ma gardienne, raconte José Gaudet. Car lorsque ma mère travaillait de nuit, elle dormait l'après-midi, et je regardais ses films.

«Un duo sur une scène, ce n'est pas du stand-up, ajoute Gaudet. Pour parler de choses vécues, c'est complexe, car ma vie n'est pas celle de Mario. Il faut donc un «je» qui réunit les deux personnes. C'est ce qu'on a trouvé avec Dean Martin et Jerry Lewis.»

Même s'ils ont eu du mal à l'accepter, Mario Tessier et José Gaudet ne font pas ce numéro pour faire rire. Plutôt pour émouvoir. «Au départ, on n'assumait pas totalement le fait de le livrer simplement, avoue Tessier. On sentait le besoin de cabotiner.»

La popularité a ses revers. En 15 ans à la radio, les Grandes gueules se sont bâti un énorme noyau de fans finis qui ne jurent que par leurs célèbres personnages. Alors, comment évoluer tout en plaisant aux disciples de la première heure ? «Les fans ont le droit d'avoir nos best of, dit Gaudet. Au fil des spectacles de rodage, on a donc amené sur scène nos personnages qu'on ne voyait au départ que sur grand écran, dans un numéro. Mais on ne veut pas avoir l'air d'une secte. On présente aussi ce spectacle à des gens qui nous connaissent moins.»

Et si les Grandes gueules en étaient à leur deuxième vie ? «Dans la tête des gens de l'industrie, c'est le cas, constate Mario Tessier. On a tellement été identifiés à la radio, pendant 15 ans. On a été étiquetés. Mais on a toujours aimé toucher à tout. C'est la raison pour laquelle on aime tant l'époque des cabarets où des gens qui savaient tout faire donnaient des spectacles.»

Avec Complices, les Grandes gueules devront prouver qu'ils ne sont pas que des humoristes de radio qui essaient autre chose. Premier pas à la conversion d'artistes à tout faire.

Complices, des Grandes gueules, au Théâtre Saint-Denis, du 13 au 15, du 20 au 22 novembre, ainsi que les 5 et 6 décembre.