Les regroupements artistiques qui ont participé au comité de travail créé dans l'urgence par le ministre de la Culture lors de la crise du financement du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), en juin dernier, sont « perplexes » face à l'exercice qu'a finalement mené le gouvernement. Ils disent qu'on leur a fait répéter des conclusions qu'ils avaient déjà énoncées pour le Ministère dès 2008.

En juin dernier, les directeurs artistiques des grands théâtres avaient décrit comme une « insulte » l'annonce du ministre de la Culture de l'époque, Luc Fortin. Le ministre avait en effet ajouté 4 millions au budget du CALQ, alors qu'ils en réclamaient 40. Ils avaient alors affirmé avec fracas que cette annonce était une manifestation de « mépris » et d'« ignorance » face aux besoins des créateurs.

Devant cette levée de boucliers, M. Fortin avait annoncé la mise sur pied d'un comité de travail pour documenter « les besoins en matière de soutien à la création, tout ça pour mieux [préparer le] plan d'action qui accompagnera la politique culturelle », dont le dépôt est toujours prévu pour la présente session parlementaire.

Le Ministère a convié les regroupements artistiques, les syndicats, le CALQ et la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) à cinq rencontres au cours des deux derniers mois. Or, la majorité d'entre elles visaient plutôt à identifier des mesures pour « améliorer les conditions socioéconomiques des artistes et des travailleurs culturels », évacuant la possibilité de chiffrer les besoins réels du milieu pour le soutien à la création.

« L'exercice auquel on nous invitait nous a laissés extrêmement perplexes », raconte Sylvie Meste, directrice générale du Conseil québécois du théâtre (CQT), dans une entrevue sollicitée par La Presse

Autour de la table, les organismes ont rappelé aux représentants du Ministère qu'ils disposaient déjà d'une étude déposée en 2008 et que le portrait socioéconomique des artistes n'avait pas tant changé depuis.

« On a signalé plusieurs fois qu'on était en train de redonner des informations qui étaient dans des études dont le Ministère disposait déjà. »

- Fabienne Cabado, porte-parole du Mouvement pour les arts et les lettres

65 SOLUTIONS PROPOSÉES

Les cinq rencontres, dont la dernière s'est déroulée le 12 octobre dans les nouveaux locaux du ministre de la Culture de l'édifice Wilder, à Montréal, ont permis aux regroupements culturels de cerner 18 enjeux et de proposer 65 solutions pour établir le plan d'action de la prochaine politique culturelle.

Alors qu'un sous-ministre devait être présent lors de la rencontre bilan, il s'est finalement absenté à la dernière minute, puisque le Ministère changeait de titulaire dans la même semaine à Québec. Les fonctionnaires présents sur place ont alors demandé aux intervenants autour de la table d'établir un ordre de priorité des solutions documentées dans le document bilan, exercice auquel ils ont refusé de participer.

« Si on a un réinvestissement massif dans la culture, à ce moment-là, on verra selon quel échéancier on peut répondre à tous les besoins », affirme Mme Cabado, aussi directrice générale du Regroupement québécois de la danse (RQD).

« Maintenant, vous avez exactement le portrait de ce qui reste à faire. Chiffrez les besoins et vous saurez quel est l'investissement supplémentaire qui est nécessaire dans les arts et la culture », ajoute-t-elle.

BESOINS DIVERSIFIÉS

Christine Bouchard, directrice générale du Regroupement national des arts du cirque et porte-parole de la Coalition La culture, le coeur du Québec, affirme toutefois que les échanges ont eu le mérite de rappeler une fois de plus au Ministère la diversité des besoins du milieu.

« En culture, il y a tellement d'enjeux et on stagne à 1 % du budget [de l'État québécois] depuis des années. [...] Si on reconnaissait notre apport réel sur le plan social, identitaire et économique, c'est clair qu'on aurait un réinvestissement important », juge-t-elle.