La communauté artistique montréalaise et les admirateurs de Paul Buissonneau ont rendu hommage, hier, à l'artiste d'origine française disparu le 30 novembre à l'âge de 87 ans. Ses funérailles en la basilique Notre Dame de Montréal ont été l'occasion d'honorer l'homme de théâtre, le créateur, l'innovateur. Mais aussi l'homme de coeur.

À la mort de Jean-Louis Millette en 1999, Paul Buissonneau avait pleuré dans l'église. Mais à un moment donné, il avait montré l'urne à René Richard Cyr et lui avait dit: «Ça, c'est de la confiture de Paillasson!»

Les funérailles de Paul Buissonneau ont été à son image. Délicates et touchantes, oui. Mais aussi empreintes de sérénité pour ne pas oublier la bonne humeur de l'homme de théâtre ni le fait que son legs artistique est éternel.

Paul Buissonneau avait désiré une petite cérémonie dans la chapelle Notre-Dame du Sacré-Coeur avant celle de la basilique. C'est donc près du retable de son ami sculpteur Charles Daudelin que des airs de ses chers Compagnons de la chanson ont résonné en après-midi. Quelques centaines de personnes étaient venues se recueillir près de l'urne qui contenait ses cendres. Une urne qu'il avait choisie: un coffret de maquillage noir qui ressemblait à une petite valise.

«Il part en voyage avec sa petite valise, a dit à La Presse le cinéaste Claude Fournier venu le saluer. Il a été un nomade et un saltimbanque, c'est symbolique.» Puis, les personnes se sont déplacées à l'intérieur de la basilique. Quelques personnalités politiques étaient présentes, notamment le maire de Montréal, Denis Coderre, la ministre de la Culture et des Communications, Hélène David, le député de Mercier, Amir Khadir.

Les funérailles ont débuté avec la procession de la famille dans l'allée centrale, notamment ses enfants et petits-enfants, sa conjointe, Monik Barbeau, et plus d'une centaine de Petits chanteurs du Mont-Royal. L'urne a été apportée près de l'autel où deux photos de Paul Buissonneau avaient été placées. Sur l'une, il est habillé en Picolo. L'autre, plus récente, est attendrissante, avec son regard à la fois goguenard et doux.

Le metteur en scène Yves Desgagnés a ensuite lu un texte de Paul Buissonneau disant qu'il avait souhaité des polyphonies grégoriennes pour ses funérailles, «pour nous changer des tintamarres qui résonnent encore sur la planète!». Un texte dans lequel il écrit que «l'enfer existe, l'enfer, c'est la vieillesse». L'assistance a applaudi.

Puis, Annik, fille de Monik Barbeau, a rendu hommage à son beau-père et au rôle de grand-père qu'il «prenait à coeur». La comédienne Andrée Lachapelle a ensuite parlé de son ami. «Travailler avec toi n'a jamais été de tout repos. Tu as été le seul metteur en scène à m'avoir appris à marcher sur scène! Que de souvenirs heureux! Tu nous as subjugués pendant toutes ces années. [...] Avec toi, la mise en scène devenait des tornades! [...] Paul, tu étais un petit garçon qui criait très fort par peur de ne pas être compris et aimé. Dors en paix.»

Messages d'André Brassard et Michel Tremblay

Puis, Gilles Renaud a lu deux messages. Le premier, du dramaturge André Brassard. «Tu nous a accueillis, Tremblay et moi, dans ton théâtre [...] Tu nous as fait des décors et des scènes. Tu as été le seul à m'appeler Dédé. Merci Paulo, de ton Dédé.»

Le second, de l'écrivain Michel Tremblay. «Un tourbillon à travers nos vies, un tourbillon qui aura duré 60 ans et qui charriait des merveilles comme on n'en avait jamais vu. Une roulotte amovible qui transportait des enfants [...] Des tours Eiffel qui tuent. Des clowns cinglés en pyjama et le crâne rasé [...] Et tant d'autres beautés qui nous aidaient à vivre. [...] Je n'ai jamais osé t'appeler Paulo mon Paul, parce que je ne faisais pas partie de tes intimes. Aujourd'hui, j'ose. Je t'aime Paulo, nous t'aimons tous et j'espère que tu l'as toujours su.»

Puis, les cinq petits-enfants de Paul Buissonneau, Chloé, Justin, Félix, Virginie et Ève, ont évoqué les cinq saisons de son existence, sa loyauté, son humour et les «mille couleurs de son caractère».

Le maire Denis Coderre a ensuite parlé de la place que Paul Buissonneau occupe dans la culture québécoise «et qu'il occupera à jamais» avec ses «125 mises en scène pour le théâtre et la télé». «Paul Buissonneau, je vous lève mon chapeau», a-t-il conclu.

La comédienne Pascale Montpetit - à qui Paul Buissonneau a enseigné le théâtre - a dit que le picolo étant un petit oiseau qui passe ses étés dans le Sud, elle a lu le poème de Jacques Prévert Pour faire le portrait d'un oiseau, avant de souhaiter au disparu un «beau voyage» et de «beaux rêves».

La comédienne et humoriste Valérie Blais a ensuite fait part de ses nombreux échanges avec son ami qui l'avait surnommée «la princesse de la dyslexie» après l'avoir engagée pour jouer dans Les précieuses ridicules. Puis, elle a lu un texte de Paul Buissonneau dans lequel il annonce avoir «passé les douanes célestes, délaissant cette peau vieille de tous les ans».

«J'irai vers des zones incertaines pour redevenir poisson et retrouver quelques eaux maternelles accueillantes et figées pour un temps de repos illimité, a écrit Paul Buissonneau. La vie s'effrite, raccourcissant le tempo d'un coeur fatigué et m'offre en cadeau le sursis de rêver encore pour m'inventer un au-delà confortable.»

Ils ont dit...

Lorraine Pintal, directrice du Théâtre du Nouveau Monde

«C'était un homme audacieux, fou. Ç'a été un maître. Il n'y en a plus des comme ça. C'est un oiseau rare. Peut-on avoir un autre Paul Buissonneau aujourd'hui? Il nous a fait tellement rire et aujourd'hui, il nous fait pleurer. On n'est pas contents de pleurer.»

René Richard Cyr, metteur en scène et acteur

«Ce que je retiens le plus de lui, c'est son indignation perpétuelle, un moteur de création formidable. Il avait une part d'imaginaire, mais surtout une indignation de citoyen et d'artiste et un regard sur la jeunesse, donc il était en perpétuel renouvellement. Pas assis sur aucun laurier. C'était un homme important.»

Luc Plamondon, parolier et producteur

«C'est un gros morceau qui part. Je regrette de n'avoir pu le voir davantage dans les dernières années. Mais son spectacle L'oiseau vert que j'ai vu au TNM restera un des plus beaux spectacles que j'ai vus dans ma vie. Son imagination était extraordinaire. Il ne faisait jamais les choses de la même façon. C'était un personnage grandiose.»

Hélène David, ministre de la Culture et des Communications du Québec

«C'était une cérémonie à son image, à la hauteur de l'homme, immense, authentique et d'une souffrance, en même temps, qu'il ne cachait pas. On ne peut avoir perdu ses parents si jeune et ne pas rester marqué, pour un être aussi sensible.»

Éric Jean, directeur du Théâtre de Quat'Sous

«Ça prend Paulo pour faire bénir un coffret de maquillage à la basilique! Je me rappelle quand j'ai été nommé directeur du Théâtre de Quat'Sous, en 2004, il m'avait dit: "Bonne chance mec, t'es dans la merde!" J'ai alors vu toute la tendresse dans sa poignée de main et son regard.»