Les amoureux du piano ont eu droit à des demi-finales palpitantes au Concours musical international de Montréal (CMIM), le week-end dernier, alors que le calibre des candidats était très élevé. La Presse y était. Nos impressions sur les six candidats choisis pour la grande finale, qui se disputeront plus de 120 000 $ en prix, demain soir et mercredi soir à la Maison symphonique.
Zoltan Fejervari
30 ans, Hongrie
Se distinguant de ses concurrents par l'originalité de son répertoire, sa forte personnalité et une vision inspirée des oeuvres frôlant le génie, Zoltan Fejervari a, selon nous, de bonnes chances de remporter la victoire avec son jeu intellectuel, mais senti. Il fallait l'audace d'un pianiste assumé pour présenter l'étude À bout de souffle de Ligeti ou la Sonate en mi bémol mineur de Leoš Janáček en concours. Avec l'Italien Giuseppe Guarrera, Zoltan Fejervari a été l'un des seuls à apporter des idées véritablement intéressantes à la Laurentienne no 2 d'André Mathieu, pièce canadienne imposée dont plusieurs candidats ont livré une lecture des plus banales, donnant parfois l'impression d'accomplir une corvée. Sa version de l'Humoreske op. 20 de Schumann était brillante.
En finale: Concerto no 3 de Bartok, mardi.
Stefano Andreatta
25 ans, Italie
Si La Presse n'a pas entendu la première épreuve de Stefano Andreatta, on nous en avait dit le plus grand bien. En se basant sur sa prestation en demi-finale, il nous est apparu comme un pianiste parmi tant d'autres, fort talentueux certes, mais sans originalité particulière et présentant un jeu assez monochrome, aux idées peu diversifiées. On s'explique mal pourquoi le jury l'a préféré au phénoménal candidat ukrainien Artem Yasynskyy, pianiste complet que l'on imaginait déjà au sommet dès la première étape. Andreatta a tiré son épingle du jeu, même en jouant la Laurentienne no 2 avec la partition - ce qui est permis pour la pièce imposée, mais décevant.
En finale: Concerto no 2 de Liszt, mercredi.
Jinhyung Park
21 ans, Corée du Sud
Comme pour Andreatta, on se demande pourquoi Jinhyung Park a réussi à se hisser en finale alors que plusieurs candidats étaient, à nos yeux, bien plus intéressants. Même si tout ce qu'il a joué en demi-finale était agréable à entendre et esthétique, les différences de styles entre compositeurs sont à peine marquées dans son jeu et l'émotion ne passe pas. Il nous semble avoir démontré une musicalité inculquée artificiellement grâce à des années de pratique, atteinte avant tout par la technique, et comportant trop peu d'idées et d'apport personnels.
En finale: Concerto no 2 de Rachmanivov, mercredi.
Yejin Noh
30 ans, Corée du Sud
Yejin Noh a étudié, entre autres, avec le formidable Menahem Pressler. Si la virtuose nous avait quelque peu laissés froids par sa prestation impeccable techniquement, sans fausse note mais dénuée d'émotion en première partie, elle s'est surpassée en demi-finale. Après un Prélude et Fugue en ré mineur de Bach tout en douceur, elle a livré une interprétation honorable de la pièce imposée d'André Mathieu, suivie d'une Sonate no 1 de Schumann comportant des longueurs et une relative dose d'ennui. C'est dans les Trois mouvements de Petrouchka, de Stravinsky, qu'elle a donné le meilleur d'elle-même, sortant enfin de sa réserve. Il ne serait pas étonnant qu'elle se hisse dans les trois premières places, puisque son style semble plaire au jury.
En finale: Concerto no 1 de Tchaïkovski, mercredi.
Giuseppe Guarrera
25 ans, Italie
Respirant la musicalité à chaque note, l'Italien est un candidat aussi sérieux à la première place que le Hongrois, bien que leurs styles soient très différents. Après nous avoir émerveillés par la beauté et l'élégance classique de sa Sonate de Mozart K. 576 à la première étape, il a ébloui le public avec sa Rhapsodie espagnole de Franz Liszt en demi-finale. Quel panache! On est en face d'un pianiste charismatique doté de profondeur, qui a des choses à dire et qui fait passer la musique devant la virtuosité pure, bien qu'il soit doté d'une technique impressionnante. C'est lui qui a offert, à notre avis, la meilleure version de la Laurentienne no 2 d'André Mathieu.
En finale: Concerto no 1 de Tchaïkovski, mardi.
Albert Cano Smit
20 ans, Espagne et Pays-Bas
Né à Genève, en Suisse, mais représentant deux autres pays, le plus jeune des finalistes est passionnant à écouter et démontre une impressionnante maturité musicale pour son âge. Son Humoreske de Schumann, empreinte de poésie et faisant chaleureusement ressortir les voix médianes à la main gauche, a été l'un des plus beaux moments de la demi-finale. Son jeu empreint d'intelligence a de quoi séduire et fait oublier sa posture maladroite, le dos courbé. En finale, mardi soir, il s'attaquera à un monument qui fait trembler bien des pianistes: le Concerto no 1 de Brahms, un choix audacieux pour un si jeune musicien.
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La finale se déroulera mardi soir et mercredi soir, à 19 h 30, avec l'Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Claus Peter Flor. Ordre de passage pour mardi soir: Cano Smit, Fejervari, Guarrera. Mercredi: Noh, Park, Andreatta. Le 12 mai, à 19 h 30, on entendra, en plus du lauréat, trois gagnants des années antérieures: Serhiy Salov (piano, 2004), Benjamin Beilman (violon, 2010) et Measha Brueggergosman (chant, 2002).
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