Pour la première fois, les mélomanes de Montréal auront l'occasion d'entendre, ce soir, l'Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, certainement l'un des plus prestigieux du monde, en tournée nord-américaine avec son chef, le légendaire Mariss Jansons. Le maestro nous a accordé un bref entretien téléphonique.

Si son orchestre - en allemand, le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks - n'a jamais joué ici, Mariss Jansons, lui, a déjà dirigé l'OSM comme chef invité à l'époque de Charles Dutoit.

«C'était un orchestre merveilleux et je m'étais fait des amis, dans le temps, dit Mariss Jansons. Maintenant, je ne sais plus ce qu'ils sont devenus.»

Au programme du concert, le Concerto pour violon en ré majeur de Korngold avec, comme soliste, le Grec Leonidas Kavakos, et la Septième symphonie de Chostakovitch, aussi appelée Symphonie Leningrad.

On pourrait dire que Mariss Jansons a une sorte de lien cosmique avec cette symphonie puisqu'il a lui-même étudié dans cette ville - aujourd'hui Saint-Pétersbourg -, où il a aussi commencé sa carrière en étant nommé chef associé de l'Orchestre philharmonique de Leningrad, en 1973.

«J'ai vécu là-bas, j'ai bien connu l'atmosphère de cette ville, dit-il. Bien sûr, je n'ai jamais eu à me battre comme Chostakovitch, qui a eu une vie très difficile, mais quand je dirige sa musique, je me sens immédiatement ramené au pays, à l'époque où j'y ai vécu.» 

«Vous pouvez lier chaque oeuvre de Chostakovitch à la façon dont lui-même a souffert au sein de la société. Je crois que c'était un génie.»

«Il l'a écrite pendant la guerre, mais cette symphonie n'est pas seulement au sujet de la guerre. Elle nous parle de la lutte entre les forces positives et négatives qui existent en ce monde.»

Comme un roman

Mariss Jansons n'a peut-être pas dû surmonter autant de difficultés que Chostakovitch, qui a été persécuté par le régime soviétique, mais il est tout de même né à une époque sombre: pendant l'occupation nazie de Riga, en Lettonie. À vrai dire, sa vie ressemble à un roman. Son père, Arvīds Jansons, était aussi chef d'orchestre. Sa mère, Iraida était une cantatrice juive. Elle a donné naissance à Mariss Jansons en 1943 dans une cachette, après qu'on l'eut aidée à sortir du ghetto de Riga. 

En 1984, Arvīds Jansons est mort d'une crise cardiaque alors qu'il dirigeait le Hallé Orchestra, à Manchester. Mais le plus inouï, c'est que la même chose a failli arriver à son fils. En 1996, Mariss Jansons était frappé à son tour d'une crise cardiaque en pleine représentation de l'opéra La bohème, à Oslo. Un défibrillateur installé peu après lui a permis de continuer à vivre et à travailler, au grand bonheur des mélomanes du monde entier.

Mariss Jansons a été ravi d'apprendre que pour son retour à Montréal, il dirigerait cette fois dans une nouvelle salle, lui qui accorde une grande importance à l'acoustique et s'est battu pendant des années pour convaincre les autorités de construire une salle pour son orchestre à Munich. Il a fini par y arriver: la salle sera construite et devrait ouvrir ses portes en 2021. L'orchestre le mérite bien, croit le maestro.

«C'est l'un des meilleurs orchestres du monde, dit-il. Il a un son profondément allemand, ses musiciens sont passionnés et très engagés dans leur musique. C'est fascinant non seulement de les écouter, mais de les regarder. Ils semblent toujours jouer comme si c'était leur dernier concert. On ne peut pas en dire autant de tous les orchestres.»

Cette tournée qui passe également par Washington, New York et Chicago coïncide avec la sortie d'un nouvel enregistrement de la Huitième symphonie de Dvorak, sous l'étiquette maison de l'orchestre.

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À la Maison symphonique ce soir, 20 h.