Katerina Izmaïlova, un opéra psychologique de Dmitri Chostakovitch interdit sous Staline pour son «naturalisme» mais ovationné en Occident, est de retour au Bolchoï avec la soprano allemande Nadja Michael dans le rôle principal.

Cet «opéra expressionniste sur une vie et une passion fatale (...) qui est peut-être l'opéra russe le plus connu du XXe siècle, a été non seulement un reflet de son époque mais aussi sa première victime», a expliqué le Bolchoï dans un communiqué.

Écrit par Chostakovitch en 1932, l'opéra raconte l'histoire d'une jeune femme, Katerina Izmaïlova, mariée à un marchand aisé mais mesquin dans la Russie du XIXe siècle. Elle tombe amoureuse de son employé et commet plusieurs meurtres pour pouvoir s'installer avec son amant, avant d'être condamnée au bagne et de se suicider.

Présenté pour la première fois à Moscou en 1934 sous le titre Lady Macbeth de Mtsensk, «il a joui d'un succès colossal parmi les spectateurs» soviétiques comme occidentaux, ovationné notamment à Copenhague, Stockholm, Prague, Zurich ou New York, rappelle le communiqué.

Mais en 1936 l'opéra, qui a déplu à Staline, est violemment critiqué pour son «naturalisme grossier» par le quotidien officiel Pravda, dans un éditorial intitulé «Le chaos remplace la musique».

Interdit en URSS, il n'est revenu sur scène qu'environ 30 ans après, en 1963, dans une version retravaillée par Chostakovitch «plus modérée» et «moins physiologique», rappelle le metteur en scène Rimas Touminas.

Il dit toutefois avoir privilégié cette seconde version «plus symphonique» dans son adaptation de l'opéra, dont la première a eu lieu au Bolchoï jeudi soir et qui sera à l'affiche jusqu'à dimanche.

«C'est un opéra incroyable qui mélange la tragédie et la satire» en racontant l'histoire d'une femme «qui porte la mort» à travers des airs lyriques et des valses, souligne le théâtre.

«L'image d'une cruauté fatale me hantait tout le temps dans cet opéra. D'où vient-elle? Est-ce dans la nature humaine ou est-ce le hasard des circonstances?», s'interroge M. Touminas dans un entretien à la revue Ogoniok.

Pour lui, il n'y pas cependant «de mauvais personnages ici, il n'y a que des gens malheureux».

Il s'agit de la quatrième représentation de Katerina Izmaïlova au Bolchoï, après celles de 1935, 1980 et 2004.