L'un commence une phrase, l'autre la termine. Ils sont amis depuis l'adolescence et jouent du piano ensemble depuis aussi longtemps. On les avait découverts en duo il y a plus de 20 ans ; ils se retrouvent après une très longue pause. En plus de leurs nouveaux disques, on pourra profiter de ces retrouvailles du duo Lortie-Mercier en trois concerts avec l'OSM et le Concerto pour deux pianos en ré mineur de Francis Poulenc.

Racontez-nous votre première rencontre.

Hélène Mercier : J'avais entendu parler de lui et je suis allée l'entendre jouer au Concours de l'OSM. Il avait 13 ans et jouait le premier concerto de Beethoven. J'ai eu un coup de foudre. J'ai réussi à avoir son numéro et je l'ai appelé en disant que je m'appelais Anne. J'improvisais. Nous avons parlé de musique pendant deux heures.

Louis Lortie : Le plus drôle, c'est qu'il y avait une Anne dans ma classe. J'étais sûr que c'était elle ! Le lendemain, je suis allé la voir pour continuer la conversation et elle m'a regardé comme si j'étais fou. Quand on s'est enfin vus, Hélène et moi, on a vite écouté de la musique ensemble et déchiffré des partitions à deux. Ce n'est que beaucoup plus tard que nous avons joué en duo de façon professionnelle.

Pourquoi avez-vous arrêté votre duo si longtemps ?

Hélène Mercier : On jouait de temps en temps, mais nous avions des projets chacun de notre côté, des conjoints et des enfants. Les aléas de la vie. Maintenant, nous avons plus de temps.

Tout pianiste a son style, ses qualités. Comment décririez-vous ceux de l'autre ?

Louis Lortie : Je dirais le côté très féminin de son jeu, dans le bon sens du terme. C'est plein de surprises, de beaux imprévus, de ce côté « attrape-moi si tu peux » (rires).

Hélène Mercier : Que de révélations grâce à une entrevue ! De mon côté, je dirais que ce que j'admire, c'est sa grande profondeur sans concessions comme musicien.

En dehors de la musique, quelles sont vos affinités ?

Louis Lortie : Nous partageons beaucoup, mais une chose importante que l'on a en commun, c'est l'exil. Nous sommes deux exilés. C'est très émouvant de se retrouver ici et de voir nos parents venir au concert.

Hélène Mercier : C'est vrai. Toute notre vie, nous l'avons faite ailleurs. J'habite Paris, Louis vit à Berlin. Malgré tout, nous sommes très attachés à nos racines ici, et on entretient des rapports un peu ambigus avec le lieu. On se comprend bien là-dessus.

Qu'est-ce qu'il faut pour former un bon duo de pianistes ?

Hélène Mercier : Dans notre cas, je crois qu'il y a une chimie ou une alchimie, une même respiration. Même en dehors de la musique, nous avons une relation exceptionnelle. Ça se transmet dans notre jeu.

Louis Lortie : Je ne crois pas que l'on puisse mettre le doigt sur un élément-clé. La communication se passe autrement. Ça explique peut-être pourquoi il y a si peu de vrais duos de pianistes.

Vous disputez-vous parfois ?

Louis Lortie : Nous n'hésitons pas à nous critiquer l'un l'autre, à nous lancer des trucs pendant les répétitions sans nous soucier d'être politiquement corrects. On le fait pour la musique, qui demande de donner le maximum de soi. S'il y a un vrai désaccord, on s'enregistre pendant qu'on joue et on s'écoute pour trancher.

Hélène Mercier : Nous avons eu très peu de vraies disputes. Et ce merveilleux Poulenc que nous allons jouer, c'est une boucle qui s'est bouclée, car c'est une des premières oeuvres que nous avons écoutées ensemble étant jeunes, en rêvant de la France et de l'Europe.

Duo Lortie-Mercier, Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Long Yu, Maison symphonique, jeudi, 10 h 30 et 20 h, et le 17 janvier, 14 h 30.