Alban Gerhardt se présentait au LMMC pour la quatrième fois dimanche après-midi. À 46 ans, et toujours le même air d'adolescent, le violoncelliste allemand a atteint un niveau technique et musical qui, sans qu'on se bouscule nécessairement aux portes, justifie pleinement ces retours devant notre plus ancienne société de concerts.

En même temps, les autorités pourraient-elles s'assurer que, lors de son prochain passage au LMMC, si passage il y a, M. Gerhardt s'adjoigne un pianiste différent ou, mieux encore, qu'il vienne seul avec son Gofriller 1710, comme lors de ses débuts au Club en 2007 ?

Pour dire les choses le plus simplement du monde, la dame qui sévissait au piano dimanche - et dont le nom flotte vaguement dans les souvenirs de ceux qui suivirent l'ancien Concours international de Montréal - a, par un jeu presque toujours brutal, fortississimo, dépourvu d'intelligence musicale et de nuances élémentaires, réduit à néant le programme pourtant intéressant que le violoncelliste avait établi.

Véritable outrage à nos oreilles, le son tonitruant qui sortait du piano oblitérait parfois même celui du violoncelle, à un point tel qu'il faut renoncer à parler ici d'interprétation, si interprétation il y eut.

Une sorte de trêve intervint au début de la Sonate op. 38 de Brahms, dernière oeuvre au programme, comme si le violoncelliste, exaspéré par un Beethoven aussi assourdissant que tout ce qui précédait, avait signifié à sa partenaire d'y aller «avec la pédale douce». Ce miraculeux moment de répit permit d'apprécier enfin -- et Dieu soit loué -- un échange serein entre deux musiciens dialoguant au même niveau. Hélas! cette accalmie ne dura pas et, comme Jeanne d'Arc impatiente de retrouver son côté belliqueux, la pianiste repartit à l'assaut du clavier dès après le tendre Menuetto.

En parvenant à faire abstraction de l'envahissant piano, on devinait de réelles intentions interprétatives chez le violoncelliste. Ainsi, on le voyait pousser à plein archet son instrument, en couleur et en profondeur, de manière à aller au-delà des limites évidentes des Sonates de Barber et de Britten. Avec au piano un musicien qui inspire le violoncelliste, le résultat eût été supérieur, comme il l'est parfois. Mais il ne le fut pas.

Les Sonates de Beethoven et de Brahms, quant à elles, n'ont absolument pas vieilli, après tant de générations de musiciens et d'auditeurs. Elles survivent -- et continueront de survivre - aux pires conditions, comme on vient de le constater encore une fois.

Pour ceux que ces détails peuvent intéresser : salle presque remplie, ovation à la toute fin et même rappel, la Marche de l'opéra L'Amour des trois oranges de Prokofiev.

ALBAN GERHARDT, violoncelliste, et ANNE-MARIE McDERMOTT, pianiste. Dimanche après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation : Ladies' Morning Musical Club.

Programme :

Sonate en do mineur, op. 6 (1933) - Barber

Sonate en do majeur, op. 65 (1961) - Britten

Sonate no 4, en do majeur, op. 102 no 1 (1815) - Beethoven

Sonate no 1, en mi mineur, op. 38 (1865) - Brahms