Le grand ténor Rolando Villazón n'avait jamais chanté à Montréal. Ce sera chose faite dès dimanche grâce à l'invitation de son ami, Yannick Nézet-Séguin, qui a voulu célébrer ses 15 ans à la tête de l'Orchestre Métropolitain avec un ambitieux concert de fin de saison. Rolando Villazón n'étant pas disponible pour une entrevue, La Presse s'est entretenue avec Nézet-Séguin au sujet du ténor, ainsi que de ses récents faits d'armes en Europe.

Comment avez-vous rencontré Villazón?

La première fois que nous avons travaillé ensemble, c'était au Festival de Salzbourg, en 2008, dans Roméo et Juliette. Par la suite, nous avons enregistré ensemble le Don Giovanni de Mozart pour Deutsche Grammophon et nous avons cimenté notre collaboration autour du projet d'enregistrement de sept opéras de Mozart, qui se poursuit. Au fil des ans, nous sommes devenus amis et ça n'a pas été difficile de le convaincre de venir à Montréal.

Quel genre d'homme et d'artiste est-il?

Il a un charisme qui touche aussi ceux qui ne connaissent pas l'opéra. En passant du temps à ses côtés, on constate qu'il est presque toujours en train de faire le bouffon, mais, en même temps, il est extraordinairement cultivé. Il lit, il écrit, il a publié des livres, il dessine, il fait des caricatures et de la mise en scène. Il adore la vie et nous la fait aimer. Quand il se donne sur une scène, on ne peut qu'être happé par son magnétisme. Je suis certain que tous seront sidérés par sa présence scénique, qui ne se compare à celle d'aucun des artistes que j'ai côtoyés jusqu'à maintenant.

Quelle est son importance dans le monde lyrique?

Depuis le début des années 2000, c'est l'un des ténors qui comptent le plus dans le monde, avec Roberto Alagna et Jonas Kaufmann. Rolando a connu un début de carrière fulgurant en chantant notamment aux côtés d'Anna Netrebko à Salzbourg, à Berlin, à Vienne et au Met. Son répertoire a changé en cours de route en raison d'une opération à la gorge, et il a arrêté de chanter pendant un moment. Il m'a déjà dit qu'il se sentait plus que jamais en possession de ses moyens et que le meilleur de sa carrière était à venir. Comme il a des talents très variés, il ne fait pas qu'interpréter des rôles. En Allemagne, il est bien connu comme personnalité télévisuelle, car il anime une émission hebdomadaire très regardée consacrée aux jeunes talents.

Pouvez-vous nous parler du programme?

Des airs de quatre compositeurs: Mozart, Massenet, Tchaïkovski et Verdi. Je voulais que ce soit un mélange de connu et de moins connu. Pour compléter la partie consacrée à Massenet, où il chantera Ô souverain, ô juge, ô père, on a déniché une rareté, une suite orchestrale rarement jouée, les Scènes napolitaines. Je voulais qu'on sorte des sentiers battus.

Vous venez de faire une tournée de trois semaines en Europe avec le Philadelphia Orchestra. Comment cela s'est-il passé?

J'avais déjà dirigé d'autres ensembles dans la plupart de ces villes. Le fait d'amener l'Orchestre de Philadelphie à un public qui me connaissait déjà rendait le tout très spécial pour moi, sur le plan émotif. Et le fait d'avoir attendu trois ans avant d'aller en Europe a permis à ma relation avec l'orchestre de s'approfondir. Nous sommes arrivés là-bas comme un tandem. Ça a été un triomphe, et je pèse mes mots. Pour la programmation musicale, nous n'avions pas choisi la facilité, et les publics, partout, ont été ravis. On a lu des critiques disant que l'orchestre justifiait sa réputation d'être parmi les meilleurs. Ça nous a encouragés et nous planifions déjà la prochaine tournée en Europe, peut-être dans trois ans. L'an prochain, nous retournons en Chine et au Japon.

Le 11 mai dernier, les musiciens du Berliner Philharmoniker se sont réunis pour choisir le chef qui succédera à Simon Rattle en 2018. Votre nom a circulé parmi les candidats potentiels. Mais alors que le monde musical attendait le résultat avec impatience, la décision a été remise à plus tard. Qu'avez-vous pensé de ce revirement?

Sur le coup, j'ai été étonné, mais par la suite, je me suis dit qu'ils n'étaient pas si pressés, au fond. Ils ont encore trois ans devant eux. S'ils n'arrivent pas à s'entendre, ils font bien de prendre leur temps. Cela donnera aux musiciens l'occasion de réfléchir à ce dont ils ont vraiment besoin et je trouve ça sain qu'ils aient été capables d'attendre.

Une semaine avant ce vote, vous avez annoncé que votre mandat à Rotterdam ne serait pas renouvelé après 2018. Était-ce une coïncidence, ou un message envoyé au Berliner?

C'était tellement une coïncidence que j'ai été mal à l'aise quand j'ai réalisé que l'élection à Berlin avait lieu la semaine suivante! Le fait que je ne renouvelle pas mon mandat avait déjà commencé à circuler dans les journaux néerlandais et, à Rotterdam, ils ne voulaient pas que la presse s'enflamme, alors on a décidé de mettre les choses au clair. Ça n'avait rien à voir avec Berlin.

Avez-vous espoir d'obtenir ce poste si prestigieux et convoité?

Le mot « espoir » n'est pas le bon. Je suis flatté que mon nom ait été évoqué par les observateurs et ma relation avec l'orchestre est excellente. Je travaille beaucoup avec lui, la prochaine saison, notamment pour une mini-tournée de quatre concerts en Allemagne et en Italie. Après, ça évoluera comme ça évoluera. Après tout, je n'ai que 40 ans!

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À la Maison symphonique dimanche, 15 h