Née à Munich de père allemand et de mère japonaise, la violoniste trentenaire Arabella Miho Steinbacher est une soliste de réputation internationale. Mercredi et jeudi, les mélomanes ont eu l'occasion de valider cette affirmation: aux côtés de l'OSM sous la direction du chef britannique sir Roger Norrington, la virtuose a interprété le Concerto pour violon en ré majeur, op. 77, de Johannes Brahms (1833-1897).

«C'est une pièce très importante pour moi; j'ai commencé à l'étudier dès l'âge de 16 ans. J'avais déjà couvert une bonne part du répertoire classique, mais étudier Brahms exigeait d'autres qualités pour une jeune personne, à commencer par la découverte de ma force intérieure. Le premier mouvement est si long; les phrases, si sont puissantes! La musicalité de l'oeuvre est grande, les exigences physiques sont aussi considérables. Ce fut tout un défi pour moi que de maîtriser ce concerto. Pour les concerts montréalais, d'ailleurs, sir Roger Norrington a choisi de respecter l'intention originelle de l'oeuvre en diminuant les effectifs de l'orchestre.»

Force et assurance

Élégante et raffinée, cette femme correspond parfaitement à l'expression «force tranquille». Sa timidité apparente trahit une assurance inébranlable, une capacité plus que certaine à exercer son libre arbitre. Comme tant de virtuoses, elle a commencé très jeune.

«J'avais trois ans, mes parents musiciens avaient alors convenu qu'il me fallait une activité pour activer ma concentration et dépenser mon énergie à bon escient. Ils m'avaient procuré un petit violon. Un professeur revenait alors du Japon avec la méthode Suzuki qu'il adaptait à son approche personnelle. Ma mère l'avait embauché. Ça a bien fonctionné pour moi.

«Je n'avais que huit ans lorsque la grande violoniste Ana Chumachenco m'a prise sous son aile. Elle fut pour moi un professeur fantastique, dont j'étais la plus jeune élève. Elle m'a enseigné pendant dix ans. À l'âge de 18 ans, j'ai commencé à beaucoup voyager, mais j'ai voulu conserver ma base à Munich, où je vis toujours. Cette ville me semble un gros village, bien que la culture y soit très riche et qu'il s'y passe beaucoup de choses.»

Diverses influences

À 33 ans, Arabella Steinbacher a une feuille de route impressionnante, tant sur scène que sur disque; elle a enregistré des oeuvres pour violon de plusieurs compositeurs: Richard Strauss, Franck, Prokofiev, Milhaud, Chostakovitch, Poulenc, Fauré, Ravel, Berg, pour ne nommer que ceux-là.

«J'aime jouer les musiques de toutes les époques, j'aime les contrastes, mais j'ai un faible pour la musique de la première moitié du XXe siècle. J'aime l'énergie de cette période. Vous savez, je n'ai pas enregistré tous ces concertos grand public, car je voulais d'abord privilégier ce répertoire moderne. Puis, récemment, il y a eu Mozart, et je sortirai bientôt un album des concertos pour violon de Tchaïkovski et de Mendelssohn, enregistrés sous la direction de Charles Dutoit avec l'Orchestre de la Suisse romande.»

Interprète en phase avec son époque, Arabella Steinbacher ne puise pas strictement dans le répertoire classique pour se nourrir musicalement: «Il m'est important de compter différentes influences, de ne pas rester dans les mêmes zones. J'aime aussi beaucoup le jazz, de Bill Evans à Keith Jarrett.»

Enfin, elle dit s'inspirer davantage des chanteurs que des violonistes.

«J'aime les vieux enregistrements de violon, comme ceux de Fritz Kreisler, mais le chant inspire davantage mon jeu. Mes parents ont été chanteurs, mon défunt père était coach de chant à l'opéra de Munich. Il avait travaillé notamment auprès de feu Carlos Kleiber, aussi avec le fameux ténor Fritz Wunderlich, que j'ai beaucoup écouté à la maison. Et je n'écoute pas que des chanteurs d'opéra. Le jazz et la chanson m'intéressent, Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan...»