Nabucco n'est certainement pas le meilleur opéra de Verdi : scénario abracadabrant offrant peu d'intérêt aujourd'hui, partition pleine de clichés dont il ne subsiste presque rien, sauf le choeur Va, pensiero, interminable soirée de trois heures qu'allègent à peine deux entractes.

Et pourtant... Bien qu'on s'étonne que l'Opéra de Montréal ouvre sa 35e saison avec cet ouvrage du jeune Verdi qu'il a déjà donné deux fois, il faut reconnaître que le public a bien répondu. La salle Wilfrid-Pelletier était presque comble à la première, samedi soir, et la direction indique que les trois autres représentations sont déjà vendues à 85 %.

C'est sans doute Va, pensiero... Mais attention : le spectacle commence à 19 h 30 et la lamentation tant attendue des esclaves hébreux ne vient qu'à 21 h 50.

Succès de box-office, donc, ce Nabucco. Succès artistique aussi, jusqu'à un certain point. Même s'il n'est pas toujours possible de préciser laquelle, des deux plantureuses chanteuses en présence, est la fille réelle du roi Nabuchodonosor II (devenu ici Nabucco) ou encore, chez les deux chanteurs rivalisant au registre de basse, qui est le «bon» et qui est le «méchant», il reste que nous avons là quatre voix solides, sinon irréprochables.

Des interprètes des rôles principaux, tous dans leurs débuts ici, l'Italien Paolo Gavanelli est le plus remarquable, révélant dans le rôle-titre une authentique voix de baryton verdien, large et sonore, capable à la fois d'éclat et de tendresse. En fait, il est, de toute la distribution, le seul à convaincre pleinement, sur les plans vocal et dramatique.

Les deux rivales sont correctement jouées par la Russe Tatiana Melnychenko, au soprano puissant mais un peu dur, et par l'Américaine Margaret Mezzacappa, au mezzo ferme mais sans couleur. Chez les deux basses, on retiendra l'Ukrainien Ievgen Orlov, malgré un aigu souvent forcé. Rien de particulier à signaler chez les autres.

Le spectacle lui-même est une coproduction de l'OdM et de trois compagnies américaines : décors de colonnades et de vastes toiles de fond, costumes nombreux et somptueux, mise en scène des plus traditionnelles, si l'on excepte l'aveuglante et presque comique destruction de l'idole et l'exploitation du côté politique de Nabucco. L'oeuvre ayant été créée alors que l'Italie était occupée par l'Autriche, voici que, dans trois loges, à gauche de la scène, la noblesse autrichienne assiste au spectacle. À la fin de celui-ci, elle se voit offrir en bis le fameux choeur des esclaves, à la différence que, cette fois, les choristes se tournent vers elle dans une attitude non équivoque.

Bien qu'un peu enfantine, l'idée nous vaut de réentendre une formation chorale qui, extrêmement sollicitée dans Nabucco, y montra du commencement à la fin toute la présence et la puissance souhaitées. Même chose pour l'Orchestre Métropolitain, entendu dans les deux précédentes présentations de cet opéra à l'OdM.

NABUCCO, opéra en quatre actes (sept tableaux), livret de Temistocle Solera, musique de Giuseppe Verdi (1842). Production : Opéra de Montréal. Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Première samedi soir. Autres représentations : 23, 25 et 27 septembre, 19 h 30. Avec surtitres français et anglais.

Distribution

Nabucco (Nabuchodonosor II), roi de Babylone : Paolo Gavanelli, baryton

Abigaille, esclave, sa présumée fille aînée : Tatiana Melnychenko, soprano

Zaccaria, prophète et grand-prêtre des Hébreux : Ievgen Orlov, basse

Fenena, fille réelle de Nabucco : Margaret Mezzacappa, mezzo-soprano

Ismaele, jeune officier hébreu, neveu du roi de Jérusalem : Antoine Bélanger, ténor

Le grand-prêtre de Baal : Jeremy Bowes, basse

Abdallo : officier de la garde babylonienne : Pasquale d'Alessio, ténor

Anna, soeur de Zaccaria : France Bellemare, soprano

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Mise en scène et décors : Thaddeus Strassberger

Costumes : Mattie Ullrich

Éclairages : Mark McCullough

Choeur de l'Opéra de Montréal (dir. Claude Webster) et Orchestre Métropolitain

Direction musicale : Francesco Maria Colombo