Pour La Symphonie rapaillée, présentée mercredi et jeudi prochains avec les «Douze hommes» et l'OSM à la Maison symphonique, Blair Thomson s'est transformé en «mironiaque».

«Combien de chanteurs populaires acceptent de sortir de leur zone de confort?»

Le premier du genre que Blair Thomson a connu, son nom était - son nom est toujours - Michel Rivard qui, en 2006, lui a demandé de «relire» ces chansons qu'il interprétait de la même façon depuis 25 ans.

Thomson a «cassé le moule» et la critique a manqué de mots en entendant Rivard chanter Le goût de l'eau et La complainte du phoque en Alaska, accompagné par l'Orchestre symphonique de Montréal. Sur des arrangements orchestraux de Blair Thomson, compositeur d'origine torontoise qui ajoutait du coup à son CV de bien belles références.

Ainsi, sept ans plus tard, Gilles Bélanger, lui-même compositeur, proposait à Thomson d'évaluer le potentiel orchestral des musiques qu'il avait écrites sur les poèmes de Gaston Miron et qui avaient mené aux deux CD des Douze hommes rapaillés, vendus à plus de 75 000 exemplaires depuis 2008.

Combien de chanteurs populaires ont accepté de suivre Thomson dans cette Symphonie rapaillée présentée à la Maison symphoniqueà guichets fermés? Douze sur douze! Et le compositeur-arrangeur parle avec passion, et humour, de «la plus belle collaboration» de sa carrière qui, mercredi et jeudi, pourrait bien exploser en mille fleurs comme l'événement musical du printemps à Montréal.

«Je connaissais parfaitement l'esthétique de Louis-Jean Cormier, qui avait fait un travail magnifique comme directeur artistique des Douze hommes rapaillés. Louis-Jean n'aime pas la pop symphonique à la Vegas et on se disait souvent à la blague: «Pas de criss de Cheez Whiz!» »

Relecture complète

Au début, Cormier comptait parmi les Hommes qui doutaient... «Certains, raconte Blair Thomson, ne voyaient pas la nécessité artistique de rendre les Douze hommes en version orchestrale. À moins, comme le voulait Louis-Jean, de procéder à une relecture musicale totale et complète. J'étais d'accord - c'est ce que je fais dans la vie - mais pour moi, il fallait aussi que les gars revoient leur façon de chanter, qu'ils apprennent à respirer avec l'orchestre...»

Après avoir rencontré chacun des Hommes» - «tous des stars» -, pour voir et savoir, Blair Thomson le «monomaniaque» est allé s'enfermer chez lui à Saint-Bruno. Trois mois pendant lesquels, entre larmes et coups de coeur, il a retranscrit chaque note, chaque inflexion de chacune des chansons des Douze hommes rapaillés: «Pour savoir par quelle porte j'allais entrer...»

«Et que saviez-vous, par ailleurs, de Gaston Miron?

- Je savais qu'il était un intellectuel public... Je suis arrivé à Montréal peu avant le référendum de 1995 et il est mort l'année suivante. Comme j'avais décidé de vivre en français, j'ai beaucoup appris sur «Myron» dans les journaux et à la radio francophones, avec Marie-France Bazzo, entre autres, dont la voix m'envoûtait.»

L'an dernier, pour son «rapaillage» préparatoire, Thomson a tout lu de Miron et sur lui: les poèmes de L'homme rapaillé, bien sûr, mais aussi les lettres et les discours du «poète national» et l'obligatoire biographie de Pierre Nepveu, Gaston Miron - La vie d'un homme (Boréal, 2011). «Je suis devenu un mironiaque», dira Blair Thomson, un ancien crack du Toronto Symphony Youth Orchestra qui, de pianiste d'exception qu'il était à 15 ans, a décidé de se consacrer à la composition après avoir découvert Edgar Varèse. Pourquoi Varèse? «À cause de sa pureté...»

Sorti le mois dernier, le disque La Symphonie rapaillée a été enregistré en un week-end avec un orchestre de 24 musiciens, «la crème de la crème», dont Olivier Thouin, violon solo associé de l'OSM. Mercredi, les Douze hommes - Corcoran, Cormier, Rivard, Séguin, Lavoie, Léon, Perreau, Lambert, Faubert, Flynn, Vallières, Bélanger - seront accompagnés par l'OSM au grand complet, 90 musiciens sous la baguette de Jean-François Rivest, chef énergique et précis qui avait dirigé l'orchestre pour le Rivard symphonique. «Maudite grosse machine», dirait Pierre Flynn...

Mais on ne passe pas de 24 à 90 musiciens en multipliant simplement les cuivres et les cordes, n'est-ce pas? «C'est en effet très différent en termes de masses, de densités et de proportions», explique Blair Thomson en évoquant les différences d'intensité et d'instrumentation pour mettre en valeur les interprétations de chacun des «gars»: le quatuor à cordes pour Perreau, le basson pour Corcoran, le cor anglais pour Cormier.

Blair Thomson, le 13e homme, sera au piano. Pour aider, on peut le supposer, les Douze hommes rapaillés à respirer avec l'orchestre. Et pour respirer avec eux et la foule de la Maison symphonique le bonheur fugace de la musique et de la poésie.