S'appuyant sur le constat d'une «mobilisation sans précédent autour de Kent Nagano et de l'OSM», le conseil d'administration de l'Orchestre opte pour la continuité en prolongeant jusqu'en 2020 le contrat de son directeur musical.

«Kent Nagano a porté l'excellence de l'OSM à des niveaux jamais atteints», a déclaré hier Lucien Bouchard, président du conseil d'administration de l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) en annonçant la «grande nouvelle»: M. Nagano restera avec l'Orchestre à titre de directeur musical jusqu'en 2020.

«Il est l'ami de tous», a continué l'ancien premier ministre du Québec. «Partout à Montréal et ailleurs au Québec, on l'apprécie pour son engagement caritatif et communautaire.»

Arrivé en jeans-veston-cravate à cette conférence de presse qui s'est déroulée par ailleurs dans un formalisme extrême, M. Nagano a dit vouloir rester humble devant l'honneur qui lui est fait.

«C'est déjà un privilège d'être pressenti pour diriger un grand orchestre comme l'OSM. Qu'on me demande, par deux fois, de rester rend l'honneur plus grand encore.»

Kent Nagano est arrivé à l'OSM en 2004 en qualité de conseiller musical, poste qu'il a occupé jusqu'au moment d'être nommé directeur musical en 2006. Son contrat de cinq ans a été renouvelé jusqu'en 2011 et devait se terminer en 2016, mais devant la «mobilisation sans précédent» qu'il a créée autour de l'Orchestre, l'OSM a décidé de retenir ses services jusqu'en 2020; M. Nagano aura alors 69 ans.

Parlant systématiquement des musiciens de l'OSM comme de ses «collègues», le chef américain d'ascendance japonaise s'est dit heureux d'avoir vécu en leur compagnie deux «grands rêves».

D'abord, l'ouverture en 2011 de la Maison symphonique - dont Montréal, il faut le dire, rêvait bien avant son arrivée - puis l'inauguration, le printemps prochain, du Grand Orgue Pierre Béique qui, selon M. Nagano, s'avérera l'instrument «le plus avancé du monde».

D'importants défis

Pour maestro Nagano, toutefois, l'important est ailleurs. «Nos salles sont pleines, remplies de Montréalais de toutes les origines et de toutes les classes de la communauté.» Des jeunes aussi - 1300 moins-de-30-ans sont abonnés à l'OSM, a souligné Lucien Bouchard -, ce qui prête à l'optimisme devant «le grand défi des orchestres modernes»: le renouvellement de la clientèle.

D'autres «renouvellements» apparaissent à peine moins importants: celui, d'abord, de la convention collective avec les musiciens qui arrivera à échéance le 31 août prochain.

«Nous discutons déjà avec l'Association des musiciens», a dit M. Bouchard à La Presse, en évoquant les circonstances «difficiles» de la grève de 2005 et des dernières négos qui avaient mené à une entente quelques heures seulement avant l'inauguration de la Maison symphonique en 2011.

L'autre point touche la délicate question de la présence de l'OSM sur disque et autres supports. Pour Lucien Bouchard, la difficulté tient ici au fait que l'environnement légal de la reproduction sonore est un héritage du siècle passé qui ne répond plus à la réalité des nouveaux médias. «Nous faisons face à un double défi, technologique et financier, pour voir comment on peut accéder au public autrement que par le CD.»

Sur la personnalité sonore de l'OSM, Kent Nagano évoque quant à lui des échanges «vifs, mais pas négatifs».

«Jamais, dit le nouveau Grand Officier de l'Ordre national du Québec, je n'ai voulu imposer un son. Il s'agit plutôt de chercher avec mes collègues comment exploiter au maximum cet Orchestre que les Montréalais, les Québécois et les Canadiens considèrent comme un joyau. Si tous les orchestres avaient le même son, on se dirait bien vite que quelque chose ne va pas...»

Sur la question du répertoire, M. Nagano expliquera par ailleurs que, après l'exploration de celui de Haydn et de Mozart, l'OSM allait maintenant se tourner vers Schubert.

«Et d'autres répertoires difficiles qui feront ressortir les faiblesses de l'Orchestre», faiblesses que le maestro, toujours avec ses collègues musiciens, s'appliquera à corriger. «Nous avons encore beaucoup de travail devant nous...»

Kent Nagano a l'énergie, dit apprécier la ville et ses gens. «Il y a à Montréal et au Québec une attitude, une ouverture qui rendent possibles des choses qui ne le sont pas ailleurs», a dit le directeur musical de l'OSM avant de regagner ses bureaux.

Seul Lucien Bouchard, accompagné à la table par Mme Marie-José Nadeau, vice-présidente du C.A. de l'OSM, a donné des entrevues individuelles. Absence de marque à la conférence d'hier: Madeleine Careau, directrice générale de l'Orchestre, «retenue à l'extérieur du pays».