Le mauvais temps eût justifié un Voyage d'hiver plus approprié, mais il n'a pas empêché quelque 2000 personnes d'assister aux débuts ici de Jonas Kaufmann.

Le ténor allemand de 43 ans avait choisi un autre Schubert, La belle meunière, cycle de 20 lieder qui pourrait s'intituler plutôt Le pauvre meunier - on passerait ainsi de Die schöne Müllerin à Der arme Müller - car il raconte l'histoire d'un meunier amoureux d'une meunière qui s'enfuit avec un chasseur et abandonne le meunier au bord d'un ruisseau devenu son tombeau.

En simple tenue de ville, le chanteur à l'allure de vedette de cinéma a chanté de mémoire le cycle d'une heure de durée, s'arrêtant une seule fois, au 12e lied, pour prendre un peu d'eau. Ce 12e lied étant précisément intitulé Pause, on a pu croire qu'il y aurait entracte...

Kaufmann étant principalement associé au monde de l'opéra, on pouvait appréhender cette incursion sur le territoire du lied. Musicien très intelligent, Kaufmann s'est révélé également à l'aise dans les deux genres. En pleine possession du texte, livré au complet, avec toutes ses strophes, il en souligne jusqu'aux moindres nuances en colorant sa voix selon la situation. Le drame entier passe ainsi dans la voix et seulement dans la voix, sans l'ajout de gestes ou d'expressions de visage. C'est là que Kaufmann cesse d'être un chanteur d'opéra pour devenir l'interprète d'un univers beaucoup plus intérieur et abstrait. Fischer-Dieskau fut peut-être le seul à réaliser ce double exploit.

En fait, chez Kaufmann, comme chez son prédécesseur, c'est d'abord un interprète que l'on écoute; la voix devient accessoire. Comme telle, la voix est nourrie et colorée et conduite avec art. On aura remarqué un certain effort au suraigu et quelques légers problèmes de justesse. Le surmenage, sans doute. Kaufmann répète présentement le rôle de Parsifal au Met, où il retournait dès son récital terminé. Et on sait qu'il revient le 3 février, cette fois à Québec.

Helmut Deutsch était au piano, comme il l'est depuis de nombreuses années de tournées et d'enregistrements du célèbre ténor avec lequel il forme un tandem idéal. Ovationnés et rappelés, ils ont offert trois rappels, sans les identifier, mais tous de Schubert: Die Forelle, Der Musensohn et Der Jungling an der Quelle.

Le texte de Die schöne Müllerin était fourni dans le programme, avec traductions en français et en anglais. Belle initiative, hélas! en pure perte. Encore une fois, la salle était plongée dans la quasi-obscurité et il fallait s'arracher les yeux pour suivre les paroles.

JONAS KAUFMANN, ténor. Au piano: Helmut Deutsch. Dimanche après-midi, Maison symphonique, Place des Arts. Présentation conjointe: OSM et Pro Musica.

Programme: Die schöne Müllerin, cycle de 20 lieder, poèmes de Wilhelm Müller, musique de Franz Schubert, D. 795 (1823)

Yuli Turovsky

Les funérailles de Yuli Turovsky, décédé mardi dernier, ont lieu cet après-midi, à 14 h, au Salon Paperman (3888, Jean-Talon O.).