Malgré des horaires et itinéraires que tous savent inhumains, Yannick Nézet-Séguin a trouvé le temps nécessaire pour mettre au point et parfaire musicalement un programme substantiel, donné dimanche après-midi dans une Maison symphonique comble comme ouverture de la 32e saison de l'Orchestre Métropolitain dont il est le titulaire depuis 12 ans.

En fait, le jeune chef ouvrait la saison de l'OM vendredi soir à Pierrefonds par un concert de la série «périphérique», laquelle se poursuit dans quatre lieux différents avec un chef invité.

Intitulé Les exilés du Nouveau Monde, le programme groupe deux oeuvres de compositeurs européens célèbres qui firent d'importants séjours en Amérique, Dvorak et Rachmaninov, deux oeuvres qui, au surplus, furent créées sur ce continent : la Symphonie dite du Nouveau Monde à New York en 1893, la troisième Symphonie de Rachmaninov à Philadelphie en 1936.

Le choix du Rachmaninov -- comme l'a indiqué le jeune chef dans son traditionnel «mot» d'introduction - est lié au début de son mandat, ce mois-ci, comme titulaire du Philadelphia Orchestra, soit l'orchestre même qui non seulement créa l'oeuvre, sous la direction du légendaire Leopold Stokowski, mais en réalisa le tout premier enregistrement, en 1939, avec le compositeur comme chef. Les symphonies de Rachmaninov sont moins jouées que ses concertos pour une raison bien simple : elles sont moins intéressantes. Je n'en ai retracé que quatre exécutions précédentes ici : trois à l'OSM et une par le Philharmonique de Leningrad en 1973.

Le concert s'ouvre sur la célébrissime Nouveau Monde de Dvorak. Dès l'introduction «adagio», que Nézet assortit d'un «molto», sa concentration est entière et rejoint immédiatement l'auditeur. Il dirige de mémoire et, curieusement, ne répète pas l'exposition au premier mouvement. Sa conception d'ensemble est très dramatique et, malgré deux attaques légèrement imprécises, l'orchestre sonne magnifiquement dans cette nouvelle acoustique dont on découvre encore les vertus. La position des violons à gauche et à droite du podium permet de mieux entendre les traits confiés aux seconds, qui les jouent au moins trois fois dans le Scherzo. Dans le même mouvement, Nézet prend le Trio trop vite cependant. La partition dit bien «poco sostenuto». Mention au solo très précis de cor-anglais. Bien sûr, ce n'est pas Pierre-Vincent Plante. Il n'y a qu'un Pierre-Vincent Plante, et il est à l'OSM. Mais ce qu'on entend est quand même irréprochable.

L'entracte vient avant et non, tel qu'indiqué, après la pièce nouvelle, d'Éric Champagne, compositeur «en résidence» de l'OM. D'une durée de 13 minutes (et non 11), elle a pour point de départ l'accord final de la Nouveau Monde. Elle est d'ailleurs foncièrement tonale, le plus souvent très bruyante aussi, avec une soudaine accalmie, une importante intervention de clarinette basse, des solos pour divers instruments et une sorte de grande cadence finale pour les percussions. L'auteur est venu saluer et a reçu des fleurs.

Nézet-Séguin avait approfondi son Rachmaninov, comme son Dvorak. Dirigeant cette fois avec la partition, il avait choisi d'ignorer la reprise au premier mouvement. Mais le compositeur lui-même en fit autant en 1939! L'oeuvre (38 minutes dans la présente lecture) manque un peu d'unité : il y a là trop de changements inattendus, et plus ou moins justifiés, de tempo, d'atmosphère et de volume orchestral, et le finale, malgré son effervescent fugato central, paraît bien long. Ce choix restait quand même très valable, surtout que l'orchestre, là comme dans le Dvorak, était magnifique, malgré des cordes qu'on voudrait plus nombreuses encore.

ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN

Chef d'orchestre : Yannick Nézet-Séguin.

Dimanche après-midi, Maison symphonique, Place des Arts.

Programme : Symphonie no 9, en mi mineur, op. 95, B. 178 (du Nouveau Monde) (1893) - Dvorak

Exil intérieur (2012) - Champagne

Symphonie no 3, en la mineur, op. 44 (1936) - Rachmaninov