Yannick Nézet-Séguin rentre d'Europe porteur d'un contrat avec Deutsche Grammophon, où il suivra les traces, ou plutôt les sillons, de Furtwängler et de Karajan, et il prendra très bientôt, au Philadelphia Orchestra, le poste qu'y occupèrent Stokowski et Ormandy. Seulement 37 ans et, déjà, une vie de légendes.

Ces jours-ci, le jeune chef nous revient pour quelques concerts avec son inséparable Orchestre Métropolitain. Il dirigeait le premier hier soir dans le cadre des «Concerts populaires» du Centre Pierre-Charbonneau. Son nom aurait dû attirer les 2000 personnes que le lieu contient. Il en est venu environ 1500. Peut-être le programme du genre «grand concert» avait-il rebuté certains habitués de cette série axée sur la musique plus légère. Quoi qu'il en soit, nous avons retrouvé Nézet-Séguin simple et affable, comme il l'a toujours été, malgré la gloire qui l'auréole, parlant au public et le faisant rire. Et, surtout, nous l'avons retrouvé tel qu'il est le plus souvent, c'est-à-dire inspiré et inspirant au plus haut point.

J'étais placé à l'avant du parterre, proche de l'orchestre. L'amplification y est très évidente et la masse orchestrale, quelque peu déséquilibrée. Malgré ces conditions peu favorables, je ne perdais rien de ce que Nézet-Séguin nous disait dans la quatrième Symphonie de Schumann, rien de cette passionnante conception qu'il transmettait sans relâche à ses musiciens. Comme l'indique la partition, il enchaîna chaque mouvement au suivant; il fit aussi toutes les reprises.

Il avait invité comme soliste du Concerto de Tchaïkovsky une jeune violoniste inconnue, Andréa Tyniec, 30 ans, native de Saint-Jean-sur-Richelieu et fixée à Toronto. Taille fine, abondante chevelure noire: on dirait une jeune Ida Haendel. Elle a joué son Tchaïkovsky de mémoire, avec une assurance, une intensité et une musicalité exceptionnelles, une sonorité qu'on devinait riche (malgré l'amplification), des doubles cordes très justes et enflammées, des trilles chaleureux et une absolue fidélité au texte, respectant, au premier mouvement, les subtils changements de tempo souvent ignorés, et rétablissant, au finale, les passages habituellement omis.

Nézet-Séguin et l'orchestre l'encadrèrent magnifiquement et entamèrent le concert avec une aimable ouverture de Genoveva.

__________________________________________________________________________

ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Soliste: Andréa Tyniec, violoniste. Hier soir, Centre Pierre-Charbonneau. Concerts populaires de Montréal. Reprise ce soir, 19 h 30, Théâtre de verdure du parc La Fontaine.

Programme:

Ouverture de l'opéra Genoveva, op. 81 (1850) - Schumann

Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 35 (1878) - Tchaïkovsky

Symphonie no 4, en ré mineur, op. 120 (1841,  rév. 1851) - Schumann