Lancé à Toronto le 1er janvier 1995, Salute to Vienna, le pendant nord-américain du traditionnel concert du Nouvel An monté au Musikverein de la capitale autrichienne, est donné cette année dans 16 villes du Canada et des États-Unis.

Comme l'an dernier, le concert de Montréal - où le nom officiel s'augmente de la traduction Hommage à Vienne -- comprend un soliste d'ici et est repris tel quel le lendemain à Québec. Marc Hervieux était ce soliste l'an dernier. Cette année, c'est au tour de Marie-Josée Lord. Dans un cas comme dans l'autre, deux noms omniprésents, c'est-à-dire... un certain manque d'originalité.

Le concert de Montréal est toujours donné avec un orchestre constitué de musiciens venus de nos différentes formations (OSM, OM, Musici, etc.) et baptisé «Orchestre Strauss de Montréal». Comme l'an dernier, cet «Orchestre Strauss de Montréal» prend, en route vers la Vieille Capitale, le nom encore plus ambitieux de «Orchestre Strauss du Québec» («du» et non «de»... nuance). Il n'y a pas lieu d'objecter à la formule, presque inévitable, puisque le résultat est de premier ordre. En effet, ces musiciens professionnels parviennent, en quelques heures, à la cohésion d'un orchestre autonome.

Ce qui gêne un peu, c'est le recours à des voix locales déjà archifamilières pour un événement censé représenter une tradition étrangère et bien précise. Peu importe que l'orchestre soit d'ici puisque le chef lui imprime le style viennois approprié. Mais seule une affiche entièrement composée d'artistes de là-bas peut assurer pleinement le cachet souhaité.

Ironie du sort, le «talent local» montréalais se révèle ici supérieur au «talent local» viennois. Précisons d'abord que les deux voix sont amplifiées. Cela s'entend, et parfois un peu trop. Par ailleurs, il faut supposer que ses nombreuses occupations ont empêché Marie-Josée Lord de mémoriser les pièces, toutes en allemand, de Johann Strauss et de Franz Lehar. Chacun de ses numéros est en effet précédé de l'installation du lutrin par un technicien de scène. Mme Lord chante donc les duos bien droite, la musique devant elle, alors que son partenaire, lui, chante tout de mémoire et en se déplaçant à sa guise.

Mais une chose est certaine: Marie-Josée Lord chante l'opérette viennoise beaucoup mieux que le ténor de service, qui s'appelle Michael Heim. La chanteuse d'origine haïtienne projette une voix ferme et colorée qu'elle maintient inchangée jusqu'au suraigu, malgré un trémolo intermittent, et elle donne un sens aux paroles, qu'elle a pris grand soin de placer sous ses yeux, alors que son géant de partenaire ne semble avoir qu'une préoccupation: chanter le plus fort possible, sans subtilité et sans la moindre notion du phrasé.

Le chef invité, Tommaso Placidi, est un musicien intéressant qu'on aimerait retrouver un jour. Il présente les pièces avec humour, dans un français et un anglais excellents - il garde le micro un peu trop longtemps cependant! -- , et il communique à l'orchestre tout entier le plaisir qu'il prend à diriger cette musique, qu'il s'agisse de la Cavalerie légère de Von Suppé, de la Pizzicato Polka ou du fameux Beau Danube bleu servi en rappel.

Cette année encore, le spectacle de deux heures comprend des danseurs: trois couples identifiés comme étant le «Vienna Imperial Ballet» (rien de moins!) et un couple de «champions internationaux de danse sociale». Tout ce monde exécute fort bien des chorégraphies fort banales.

La salle Wilfrid-Pelletier était presque comble et l'on prévoit la même chose pour Québec. Les dates du prochain concert sont déjà connues: dimanche 30 décembre 2012 à Québec et mardi 1er janvier 2013 à Montréal (toujours à W.-P.).

«SALUTE TO VIENNA / HOMMAGE À VIENNE». Dimanche après-midi, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Reprise ce lundi 2 janvier, 14h30, Grand Théâtre de Québec.