Michel Sénéchal est, pour la première fois, l'invité de l'Institut canadien d'art vocal, dont le huitième stage de perfectionnement se déroule à la Faculté de musique de l'Université de Montréal jusqu'au 20 août.

C'est la deuxième visite de l'illustre chanteur à Montréal. «La première fois, rappelle-t-il, c'était en 1980, ma première année comme directeur de l'École de chant de l'Opéra de Paris. J'étais venu auditionner de jeunes chanteurs de langue française et des chanteurs américains intéressés par le chant français. J'avais engagé une mezzo, d'autres chanteurs aussi, je crois. J'ai oublié leurs noms. Cela fait quand même plus de 30 ans!... Je suis donc venu chez vous une seule fois, mais jamais pour chanter, et je le regrette.»

Petit et rondelet, affable et plein d'humour, M. Sénéchal a aujourd'hui 84 ans et se porte à merveille. Il est apparu sur scène jeudi soir dans un costume bigarré sorti tout droit d'un film italien et comme en accord avec les personnages pittoresques qui sont devenus sa spécialité.

Premier chanteur français à remporter le grand prix du Concours international de Genève, en 1952, il incarna d'abord les jeunes premiers, et principalement dans des opéras français, répertoire qu'il a toujours eu à coeur de défendre. Il connut Gustave Charpentier, l'auteur de Louise, et travailla avec Nadia Boulanger.

À 50 ans, n'ayant plus «ni la taille, ni la voix» des personnages de sa jeune carrière, reconnaît-il avec un sourire, il se tourna vers un autre répertoire : les rôles de composition. Il fit en 1982 ses débuts au Met dans les quatre petits rôles de ténor des Contes d'Hoffmann d'Offenbach - il allait demeurer au Met 23 ans - et participa à la plupart des premières françaises des opéras de Britten. Il enregistra l'un des quatre rôles des Contes en 1964 avec Schwarzkopf et Cluytens et un autre avec Gruberova et Ozawa en 1990. L'une de ses dernières créations date de 1983 : Frère Élie dans Saint François d'Assise de Messiaen.

C'est donc avec un artiste ayant derrière lui une très longue expérience scénique que les stagiaires travaillent présentement. Assis à côté de l'impeccable pianiste Marie-Ève Scarfone, il écoutait les chanteurs pendant quelques minutes, les arrêtait pour corriger un détail, faisait reprendre le passage, chantait parfois avec eux, mimant abondamment les gestes du personnage et «dirigeant» la scène comme un chef d'orchestre.

Partout, il prenait un plaisir évident et communicatif à ce qu'il faisait, évoquait à l'occasion «la passion qu'il faut pour faire ce métier» et ne perdait jamais patience, même devant des cas pour ainsi dire désespérés. Un des sujets était si peu préparé qu'il dut d'abord lui montrer comment prononcer certains mots. La «maisonnette» de l'air de Des Grieux était en effet devenue une «maison nette»...

L'enseignement de Michel Sénéchal s'inscrit dans la plus pure tradition du chant français, «trésor en voie de disparition», observe-t-il avec tristesse, en insistant sans cesse sur l'articulation du texte. «Imaginez un fil électrique et les oiseaux qui viennent s'y poser. Le fil électrique, c'est la ligne mélodique, immuable. Les oiseaux, ce sont les paroles qu'on met sur la musique.»

Y a-t-il présentement de grands chanteurs français? L'hésitation est déjà une réponse. J'ose quelques noms : Roberto Alagna, Natalie Dessay. «Ils ont été mes élèves», rappelle-t-il, en refusant de s'engager davantage. «De toute façon, je n'ai pas vraiment le temps de suivre ce qui se fait. Mon enseignement me prend tout mon temps.»