Alors qu'un futur premier prix se détachait nettement de la première séance de la finale du Concours de piano - chose confirmée mercredi en fin de soirée par le choix de Beatrice Rana --, la deuxième et dernière séance, jeudi, n'a pas révélé grand-chose.

Première à passer, l'Américaine Lindsay Garritson avait choisi le deuxième Concerto de Prokofiev. Choix téméraire. C'est le plus long et le plus difficile des cinq Concertos pour piano du compositeur russe. Rien qu'un détail : l'infernale cadence du premier mouvement est tellement chargée qu'elle requiert trois portées pour se déployer.

La blonde finaliste a joué toutes les notes, mais elle ne s'est jamais rendue plus loin, c'est-à-dire là, précisément, où commence la musique. Sous ses doigts, l'écriture de Prokofiev se ramenait à une série d'exercices quotidiens de piano; d'ailleurs, même à ce niveau, l'oeuvre la poussait constamment à ses limites techniques. La difficulté était souvent trop évidente, chose dont l'auditeur ne doit jamais être conscient.

Rivest et le Métropolitain étaient heureusement là pour donner un peu de corps et de couleur à cette musique.

Le jury a décerné le deuxième prix à Lindsay Garritson. Cela ne change absolument rien à ce que je pense de son Prokofiev. Il faut se rappeler cependant que les juges tiennent également compte des autres épreuves où s'est présenté le concurrent. À mon sens, Garritson a laissé une mauvaise impression. La Russe Yulia Chaplina, qui la suivait, n'en a laissé, quant à elle, aucune. Comme elle avait choisi une musique de son pays, le deuxième Concerto de Rachmaninov, on escomptait du piano dans la grande tradition russe : puissant, passionné, mélancolique. Il n'en fut rien. J'ai noté un début d'expression au mouvement lent. Ailleurs, la pianiste s'est laissée engloutir par l'orchestre.

Le petit Sud-Coréen Jong Ho Won fermait la séance. Samedi soir en demi-finale, il avait dû jouer sa Polonaise de Chopin devant un spectateur de première rangée qui ingurgitait son eau minérale et passait la bouteille à son voisin. Pour le pauvre concurrent, une façon comme une autre de se préparer aux multiples aléas de la carrière, je suppose!

Plus chanceux cette fois, le jeune homme a traversé sans encombre le premier Concerto de Liszt - celui qu'on appelle «du triangle» en raison de la place qu'y occupe le petit instrument à tintements. Le finaliste, qui ne figure pourtant pas en tête du palmarès, a offert une excellente interprétation du concerto : toujours très en place techniquement et, chose rare, avec du temps pour penser aux notes qu'il jouait...

CONCOURS MUSICAL INTERNATIONAL DE MONTRÉAL. Discipline : piano. Épreuve finale, avec l'Orchestre Métropolitain, dir. Jean-François Rivest. Salle Maisonneuve de la Place des Arts. Deuxième séance mercredi soir.

Programme :

Lindsay Garritson, 23 ans (États-Unis) : Concerto no 2, en sol mineur, op. 16 (1913, rév. 1923) - Prokofiev

Yulia Chaplina, 23 ans (Russie) : Concerto no 2, en do mineur, op. 18 (1900-01) - Rachmaninov

Jong Ho Won, 23 ans (Corée du sud) : Concerto no 1, en mi bémol majeur, S. 124 (1839, rév. 1856) - Liszt