Le Quatuor à cordes Molinari et le Quintette à vent Pentaèdre se retrouvaient hier soir, une dizaine d'années après une première aventure commune et quelques inévitables changements d'effectifs.

Du même coup, le programme attirait au Conservatoire les fidèles de chaque ensemble pour former un auditoire de quelque 200 personnes.Trois oeuvres, et autant de créations, réunissaient sur scène les neuf instrumentistes des deux formations.

Dans Melodeon, l'Allemand Michael Oesterle, établi à Montréal depuis 15 ans, dispose les neuf musiciens en cercle, ou plutôt en oméga, par groupes de trois en faisant alterner un instrument à vent et un instrument à cordes. Le titre de la pièce et les notes de programme un peu gauches suggèrent un accordéon ou peut-être même cet instrument de rue qu'on appelle «orgue de Barbarie». J'entends plutôt là un vaste et joyeux ostinato à la Stravinsky de quelque 15 minutes dont l'originalité est d'isoler chaque instrument de son habitat naturel pour l'intégrer à un nouveau contexte sonore.

Le Montréalais André Ristic, maintenant fixé en Belgique et venu pour le concert, dispose également de 15 minutes. Il place les neuf instruments différemment: les cordes à gauche, les vents à droite, avec le basson au centre. Il propose lui aussi un titre énigmatique, Variétés rupestres, et des «explications» qu'on renonce à lire jusqu'à la fin. Je préfère me laisser divertir par ces frétillements de tous les instruments réunis dont le violoncelle se détache à un moment donné pour devenir une sorte de meneur de jeu.

Chaque groupe se produit ensuite seul : Pentaèdre dans les Six Bagatelles de Ligeti et le Molinari dans le troisième Quatuor de Bartók. Mes archives révèlent que, dans chaque cas, la précédente exécution fut donnée par une formation différente de ce qu'elle est aujourd'hui, à l'exception d'un membre qui en est manifestement l'âme dirigeante. En effet, le hautboïste Normand Forget est le seul «survivant» du Ligeti d'avril 1997 à Pentaèdre et on note la même chose pour la violoniste Olga Ranzenhofer, dont la première saison du Molinari se terminait en mai 1998 par le même Bartók.

Les deux exécutions d'hier soir trouvèrent hautboïste et violoniste dans une forme inchangée. Je dois ici une mention toute spéciale à la miraculeuse beauté sonore du hautbois de Forget. Seule réserve: les musiciens ont ignoré l'indication de Ligeti d'enchaîner le troisième mouvement au quatrième. Le Bartók fut traduit avec compétence, sans plus. Il est possible d'y mettre encore plus de relief et de couleur.

Il est vrai que la soirée avait été longue et lourde pour tous, auditeurs comme exécutants. L'ingénieuse réalisation, par Oesterle, du Pulau Dewata non instrumenté de Vivier a donc un peu souffert de sa position en fin de concert.

QUATUOR À CORDES MOLINARI et QUINTETTE À VENT PENTAÈDRE. Hier soir, Conservatoire de Montréal.

Programme:

Melodeon, pour triple trio (2010) (création) - Michael Oesterle

Variétés rupestres, pour cordes et vents (2010) (création) - André Ristic

Sechs Bagatellen, pour quintette à vent (1953) - György Ligeti

Quatuor à cordes no 3, Sz. 85 (1927) - Béla Bartók

Pulau Dewata (1977) - Claude Vivier, réalisation : Michael Oesterle (2010)