Cette fois, on ne pourra pas reprocher à l'Opéra de Montréal de ressasser le même répertoire et de ramener les mêmes têtes d'affiche!

Dès ce soir, 20h, salle Wilfrid-Pelletier de la PdA, et pour cinq représentations, l'OdM propose Roberto Devereux, opéra de Donizetti inconnu du grand public, et une distribution de nouveaux venus: Alexey Dolgov, Dimitra Theodossiou, Elizabeth Batton. De même, on voit pour la première fois les noms de Kevin Newbury, metteur en scène, et de Francesco Maria Colombo, chef d'orchestre.

Des quelque 70 opéras de Donizetti, Roberto Devereux, son 59e, fait partie d'un petit groupe où il puise à l'histoire de l'Angleterre. Robert Devereux (le prénom est italianisé en «Roberto» pour les besoins de l'opéra), deuxième comte d'Essex, a bel et bien existé. Donizetti et son librettiste Salvatore Cammarano, qui s'inspirent ici d'une tragédie française, Élisabeth d'Angleterre, de François Ancelot, le replacent dans son exact contexte historique.

Devereux devint en 1588 le favori en titre de la reine Élisabeth 1re. Jeune, beau, brillant, il avait alors 21 ans et la monarque, 55. L'opéra de Donizetti le montre tel que l'histoire le décrit: faible en politique, complotant contre la reine, la trompant même. Sur ce dernier point, cependant, les détails opératiques relèvent davantage de l'imagination. En 1590, Devereux épousa secrètement la veuve d'un certain Sir Philip Sydney. Dans l'opéra, il entretient, secrètement aussi, une liaison avec une certaine Sara, duchesse de Nottingham et confidente de la reine.

Le mari, le duc de Nottingham, est un ami de Devereux et le défend devant le Parlement, qui demande sa tête. Également de la distribution, Sir Walter Raleigh, figure bien connue de l'histoire anglaise, prépare la chute de Devereux avec un certain Lord Cecil. Nottingham se joint à eux lorsqu'il apprend l'infidélité de sa femme. «Trompé par mon ami et par ma femme!» s'écrie-t-il, en faisant celle-ci prisonnière.

Sara parvient néanmoins à remettre à la reine la bague que celle-ci avait offerte à Devereux comme gage de sa sécurité contre tout danger, et que Devereux avait remise à Sara. Mais il est trop tard: Devereux vient d'être décapité. Voyant que Sara était en possession de la fameuse bague, la reine découvre du même coup qui était sa rivale. Folle de rage, elle condamne à mort le couple Nottingham et déclare à tous que son trône est devenu son tombeau.

«La reine s'efface ici devant la femme, amante outragée». L'observation de Roland Mancini décrit en peu de mots le sens de cet ouvrage où le grand rôle est effectivement celui d'Élisabeth. L'OdM l'a confié à la soprano grecque Dimitra Theodossiou. Pour l'entourer: le ténor russe Alexey Dolgov en Devereux, la mezzo américaine Elizabeth Batton en Sara, le baryton canadien James Westman en Nottingham et des chanteurs locaux pour les comprimari. L'Italien Francesco Maria Colombo dirigera l'Orchestre Métropolitain. La production est une location du Minnesota Opera.

Créé au Teatro San Carlo de Naples en 1837, Roberto Devereux se situe, dans le catalogue de Donizetti, entre Lucia di Lammermoor, son plus grand succès, et La Favorite; dans l'histoire du chant, entre Bellini et Verdi. La création de 1837 fut suivie de premières à Paris, en 1838, Londres, en 1841, et New York, en 1849. L'oeuvre tomba dans l'oubli jusqu'en 1964, année où Leyla Gencer la fit revivre au même San Carlo. Montserrat Caballé la chanta en version concert à New York en 1965 et Beverly Sills en signa le premier enregistrement en 1969, chez Westminster.

Roberto Devereux, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, les 13, 17, 20, 22 et 25 novembre, à 20h.