Le jeune violoniste Marc-André Gautier a lancé cette semaine son tout premier album... près de 22 ans après ses débuts comme enfant prodige, à 9 ans. Un album réalisé par André Gagnon et fait de grands airs populaires transcrits pour violon: la chanson de Cinema Paradiso, un tango argentin, un vieil air irlandais, etc., «pour aller plus loin» dit le jeune homme devenu à son tour papa d'un petit garçon de 10 mois.

Sur YouTube, on peut voir, accompagné de grands orchestres, un petit Marc-André Gautier de 11, 14, 17 ans, jouer de son violon comme s'il s'agissait de la chose la plus simple du monde. Mais on peut aussi y voir le tout récent vidéoclip Por Una Cabeza, tiré de son album éponyme: le jeune homme de 31 ans y joue de l'archet, mais danse aussi (avec sa femme, danseuse!) ce beau tango argentin popularisé par le film Scent of a Woman.

 

Pas simple ni facile de grandir quand on a été «prodige». Quoique... «Je crois que je suis allé jusqu'au bout de ce que je pouvais faire en classique, explique Marc-André Gautier. J'ai joué avec les plus grands maîtres, interprété les plus grands concertos, remporté certains des plus grands prix. Je voulais aller plus loin. Il y a quelques années, à la fin de mes études à Paris, j'ai rencontré Jacques Bouchard (le grand publicitaire et auteur de l'ouvrage Les 36 cordes sensibles des Québécois), qui m'a fait réaliser qu'il y avait des choix à faire dans la vie. Le choix que j'ai fait, c'est de faire connaître mon instrument, le violon, au plus grand nombre.»

Toute une série de hasards et de rencontres lui ont permis de faire la connaissance d'André Gagnon, il y a trois ans - car il a fallu trois ans pour mener à bien ce projet: «J'avais décidé à l'époque que j'étais un jeune rentier et de me retirer dans mes terres, dit Gagnon en riant. Mais j'ai soudain pris conscience que, comme réalisateur, j'avais toujours travaillé avec des chanteuses (Marie Michèle Desrosiers, Marie Denise Pelletier...), jamais un instrumentiste. J'ai décidé d'aider Marc-André par solidarité pour les jeunes musiciens, pour qui ce n'est jamais facile. Et mon rôle auprès de lui, ça a été de créer un climat de confiance, lui faire découvrir que la musique est, avant tout, un plaisir. Pour le public, ça l'est. Il faut que ce le soit aussi pour le musicien.»

«André m'a montré que je n'avais pas besoin de faire de la vitesse ou d'étaler tout ce que je pouvais faire, opine le jeune violoniste. Ce qui comptait, c'était d'exprimer. La plus grande difficulté pour moi, c'était donc de jouer de telle manière que chaque note de mon violon soit comme un mot, une parole... C'est pour cela que le disque n'a pas de morceau écrit expressément pour le violon (à l'exception de la chanson de Cinema Paradiso): ce sont presque tous des morceaux qui sont habituellement chantés (Try to Remember, Danny Boy, etc.). Cela m'offrait plus de possibilités d'expression. André m'a permis de faire chanter mon violon.»

Et quel violon. Deux violons, en fait: un Stradivarius «Leopold Auer 1691» pour le tango argentin et un Stradivarius «1713» pour les neuf autres morceaux, y compris deux compositions inédites d'André Gagnon. Dont Arabesque, interprété par Gautier, Gagnon au piano et l'Orchestre symphonique de Trois-Rivières dirigé par Jacques Lacombe.

«Ça n'était pas prévu, dit le violoniste, et cela m'a touché qu'il veuille bien composer pour moi. Arabesque est le tout premier morceau qu'André m'a proposé. Le deuxième morceau, Lunes, est arrivé comme une surprise, à la toute fin du processus d'enregistrement.» Très bel air où le piano de Gagnon, le violon de Gautier et l'accordéon de Marc Beaulieu se répondent: «C'est là qu'on voit ce qu'est la virtuosité d'un violoniste comme Marc-André, dit Gagnon. Ce n'est pas la vitesse, mais bien un beau son tenu, très long, qui peut se rendre jusqu'au silence.» «En tout cas, chaque fois que Maxime, mon petit garçon, entend le violon sur le disque, conclut Gautier, il chante. Lui aussi!»