Son goût pour la musique chorale a incité Yannick Nézet-Séguin à monter Elijah de Mendelssohn et à le donner non pas à Maisonneuve mais à Wilfrid-Pelletier. Sage décision: l'événement, lundi soir, avait attiré un peu plus de 2000 personnes, soit davantage que la capacité de Maisonneuve.

Le choix même d'Elijah est à la fois discutable et défendable. Il est bien difficile aujourd'hui de s'apitoyer sur les malheurs du prophète Élie - le Elijah du titre anglais - et d'en entendre parler, ou plutôt chanter, pendant deux longues heures. Cet oratorio que Mendelssohn a conçu à la fin de sa vie est pourtant reconnu comme l'un des chefs-d'oeuvre du genre, couronnant de façon grandiose toute la production du compositeur allemand. Il s'agit en effet d'une construction imposante au plan de la structure harmonique et de l'écriture vocale et instrumentale.

 

Mais bien des chefs-d'oeuvre sont un rien ennuyeux et Elijah est de ceux-là. Le verdict est ambivalent: magnifiquement écrit... mais interminable.

Avec cet enthousiasme communicatif qui anime tout ce qu'il touche, Nézet-Séguin a signé avec l'Orchestre Métropolitain, le Choeur de l'OM et les quatre solistes requis une réalisation presque idéale de l'oeuvre, choisissant l'habituelle version en langue anglaise utilisée lors de la création de 1846. À cet égard, aucune réserve, ou presque. Dans le grand vaisseau de W.-P. où règne habituellement l'OSM, le second orchestre de cette ville sonnait comme une formation de premier plan et le Choeur de l'OM chantait tour à tour avec force et subtilité.

Des quatre solistes, le plus sollicité est évidemment Elijah et Jonathan Lemalu, basse de la Nouvelle-Zélande, fut très impressionnant de voix et de présence, malgré un aigu plafonné vers la fin. Measha Brueggergosman projeta une grande voix de soprano dramatique et Lauren Segal, un mezzo solide et timbré. Le ténor Joseph Kaiser fut un peu moins remarquable. (On l'a d'ailleurs vu boire son eau plus souvent qu'on ne l'a entendu chanter!) On comptait même un cinquième soliste: le petit garçon qui annonce la fin de la sécheresse.

Il subsiste néanmoins des points obscurs. Bien des auditeurs m'ont confié n'avoir rien compris et j'avoue avoir moi-même perdu le fil à plus d'un moment. L'encadrement était insuffisant et les notes dites «explicatives» n'expliquaient pas grand-chose. Ainsi, l'auditeur voulant suivre intelligemment une audition remarquait que la même soliste incarnant la méchante reine Jézabel se transformait soudain en ange plein de sollicitude...

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ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN DU GRAND MONTRÉAL et CHOEUR DE L'OM (dir. Alain Cazes et Pierre Tourville). Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Solistes: Jonathan Lemalu, basse, Measha Brueggergosman, soprano, Lauren Segal, mezzo-soprano, et Joseph Kaiser, ténor. Lundi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Programme: oratorio pour quatre voix solistes, choeur et orchestre, op. 70 (1845-46) - Mendelssohn.