Victime de la poliomyélite alors qu'il était enfant, Itzhak Perlman éprouve, à 63 ans, plus de peine que jamais à monter au podium et, à cet égard, reçoit toute ma sympathie. Le courageux homme s'entête à jouer du violon; il s'adonne même, depuis plusieurs années, à la direction d'orchestre. C'est son droit. C'est aussi le nôtre d'avoir de sérieuses réserves sur ce qu'il a à offrir. Mais l'OSM le ramène comme chef et soliste, de toute évidence parce que le nom se vend bien au box-office.

L'invité commence par un concerto de Bach, le BWV 1042, qu'il joue assis, bien sûr, à gauche d'un détachement de 25 cordistes auxquels il indique le tempo avec son archet. Le son du violon est encore beau, sauf que l'intonation est un peu basse. Ce n'est pas faux, mais presque.

 

M. Perlman rejoint ensuite un autre siège, cette fois face à l'orchestre augmenté, pour la 35e Symphonie de Mozart - la Haffner. Un orchestre peut jouer cela sans chef. Disons que notre maestro improvisé veille à l'articulation et à l'accentuation, qui sont de bonne tradition mozartienne. Ce sera le seul moment valable de la soirée. Pour l'après-entracte, M. Perlman a visé haut, trop haut: la cinquième Symphonie de Prokofiev. Il tourne les pages de sa grande partition en lançant quelques vagues signaux en direction de l'orchestre et celui-ci sonne bien pendant ces 43 minutes. Mais il ne se passe rien.

La force des thèmes, l'implacable motorique, le sens de la déclamation, les grandes envolées de cordes, l'étrange relief des vents, le mystère, l'humour: tout ce qui caractérise cette oeuvre passionnante est délavé dans une lecture qui reste bruyante et au premier degré.

Le public de mardi soir a applaudi sans enthousiasme, comme conscient que son cher OSM lui jouait un mauvais tour.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité et soliste: Itzhak Perlman, violoniste. Mardi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série Grands Concerts. Programme: Concerto pour violon et cordes en mi majeur, BWV 1042 (c. 1720) - Bach Symphonie no 35, en ré majeur, K. 385 (Haffner) (1782) - Mozart Symphonie no 5, en si bémol majeur, op. 100 (1944) - Prokofiev.