Absent pour des engagements en Europe, Yannick Nézet-Séguin avait confié l'Orchestre Métropolitain à un chef invité, Fabien Gabel, pour un programme donné lundi soir, salle Maisonneuve, et repris quatre fois en périphérie.

Français, 33 ans, beau garçon et complètement inconnu ici, le visiteur a fait très bonne impression sur le public et sur l'orchestre qui, l'un et l'autre, l'ont beaucoup applaudi. En retour, il a qualifié l'OM d'«absolument magnifique» et l'oeuvre canadienne d'«absolument magnifique».

 

La notice biographique de M. Gabel le présente comme un ex-assistant de chefs importants: Sir Colin Davis, Bernard Haitink, Kurt Masur. Sa gestuelle élégante et fonctionnelle indique, en effet, une bonne expérience de l'orchestre. En même temps, il est impossible d'évaluer le travail d'un nouveau venu à travers ces petites symphonies que sont la Numéro 1 de Beethoven et l'unique de Bizet, jumelées ici parce que toutes deux en do majeur.

Un bien curieux choix pour un premier concert dans une ville et, par surcroît, des débuts nord-américains. Plutôt que le Bizet, j'aurais préféré le Stravinsky qui s'intitule précisément Symphonie en do, ou encore le Dukas dans la même tonalité. Mais je suppose qu'on a voulu alléger le programme avec ces souriants Beethoven et Bizet qui encadraient les 23 minutes du sombre et pesant morceau de l'Ontarien R. Murray Schafer.

C'est d'ailleurs avec le sourire que M. Gabel aborda les deux symphonies, tournant les pages de sa partition sans ralentir le tempo. L'orchestre lui répondit sur le même ton. Mais il y eut quelques ombres au tableau: la coordination et l'intonation des cordes n'avaient pas toujours l'absolue précision requise. Nézet-Séguin n'aurait pas laissé passer ces imperfections. En revanche, le deuxième mouvement du Bizet fut remarquable: subtils rubatos du chef, pur solo de la hautboïste Lise Beauchamp.

La pièce de Schafer est la vaste rêverie d'un violon perdu dans la forêt orchestrale. Elle requiert un (ou une) soliste de toute première grandeur, qui était lundi soir la jeune Noémi Racine Gaudreault. Son contrôle de la matière musicale, sa concentration, sa prodigieuse exactitude jusqu'au suraigu le plus pointu et le plus proche de l'inaudible: tout cela a laissé la salle entière bouche bée.

Le concert commença avec une demi-heure de retard à cause de problèmes d'éclairage qui durèrent d'ailleurs toute la soirée.