Supravirtuose du saxophone (ténor, soprano) ou de la clarinette (basse), le jazzman américain Chris Potter est invité par la faculté de musique de l'Université de Montréal à y donner des classes de maître et à y jouer devant public, aux côtés des étudiants réunis dans le big band que pilote le trompettiste et pédagogue Ron Di Lauro.

«L'Université de Montréal, c'est pour moi une première. Pour les classes de maître, cependant, cette part de mon travail prend de l'ampleur depuis quelques années», amorce le musicien, joint à Prague au début du mois.

Quiconque s'intéresse au jazz sait que Chris Potter, 47 ans, a apporté une contribution historique au jeu du saxophone, surtout le ténor. Les oreilles averties le savent parmi les meilleurs, toutes époques confondues. Force est de déduire que les étudiants de l'Université de Montréal seront très motivés à le côtoyer.

«Je le souhaite, murmure-t-il humblement. J'ai fait parvenir ma musique pour grands ensembles; je pense à celle de mon album Transatlantic, enregistré en 2010 avec le DR Big Band de Copenhague et lancé en 2011. Il y aura aussi des oeuvres jouées avec le WDR Big Band de Cologne, mais qui n'ont pas encore été endisquées.»

Être près des étudiants

Peu connue de ce côté-ci de l'Atlantique, cette musique pour grand ensemble de jazz signée Chris Potter s'inscrit dans la tradition du jazz moderne ou contemporain.

«Mes références puisent dans plusieurs big bands et cela commence par Duke Ellington. Les couleurs peuvent aussi être classiques, je pense spontanément à Richard Strauss et Igor Stravinsky. Pour les éléments de musique populaire, le funk des Meters peut aussi m'inspirer. Ce sont des influences parmi d'autres.»

On connaît surtout Chris Potter en tant que soliste, leader ou sideman en petite formation. Sous étiquette ECM, son plus récent projet est le très bel album The Dreamer Is the Dream, enregistré avec le pianiste David Virelles, le contrebassiste Joe Martin et le batteur Marcus Gilmore. Plus groovy, l'opus à venir sera enregistré avec le batteur Eric Harland, le claviériste James Francies et le bassiste Linley Marthe.

Avec les étudiants montréalais, Chris Potter souhaite une relation de proximité, dans le contexte du big band comme dans celui d'une classe de maître en plus petite formation.

«Généralement, je commence par exécuter quelques pièces avec les étudiants, puis j'accueille leurs premières questions afin d'établir rapidement un dialogue et d'évaluer à qui j'ai affaire. Je ne débarque pas chez eux avec une méthode quelconque d'apprentissage. On joue et on improvise dans l'esthétique jazz, on absorbe, on discute.»

Les leçons de ses mentors

Chris Potter dit également s'appliquer à retransmettre les enseignements de ses maîtres et premiers employeurs, citant le trompettiste Red Rodney, le saxophoniste Jimmy Heath, le pianiste Kenny Werner, les guitaristes Jim Hall et John Scofield, le contrebassiste Dave Holland, les pianistes Herbie Hancock et McCoy Tyner.

«J'ai eu cette chance inestimable de me frotter à leur jeu et ainsi découvrir de nouvelles pistes à emprunter dans le mien, dit Chris Potter. Il faut penser à quel musicien on veut devenir, mais il faut prendre soin d'éviter de bâtir artificiellement cette identité. Quel que soit le style ou la situation musicale, il faut réagir honnêtement, en tant que soi-même.»

Quant aux particularités de son jeu époustouflant, Chris Potter préfère parler d'emprunts plutôt que d'innovations.

«Ce qui peut sembler neuf dans mon jeu est très souvent un assemblage différent de ce qui a été imaginé auparavant. Par exemple, avoir joué avec le grand percussionniste indien Zakir Hussain m'a permis de comprendre des éléments rythmiques que j'ai transposés dans mon jeu de saxophone.» 

«Autrement dit, j'importe dans mon jeu des façons de faire qui viennent d'ailleurs. Ce qui me rend unique, ce n'est pas de l'invention mais du vol!»

Blague à part, Chris Potter sait aussi que la création pure tient de la visualisation, ce qu'il met aussi en pratique dans tous les aspects de son jeu et de sa musique.

«Il y a toujours un son dans ma tête, j'essaie de trouver des manières d'atteindre ce son qui se trouve dans ma tête. Durant le processus, le son évolue en moi et finit par éclore. Cela dit, il est très difficile de voir clairement ce qu'on peut vraiment changer après avoir entendu les grands maîtres, tels Charlie Parker, John Coltrane, Sonny Rollins, Joe Henderson, Michael Brecker, etc. Tu dois te consacrer totalement à ton instrument pour y parvenir, répéter des heures et des heures, jour après jour. Nous n'y parvenons jamais totalement, en fait. Il y a toujours une nouvelle montagne à escalader.»

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Sous la direction de Ron Di Lauro, le Big Band de l'Université de Montréal se produit avec Chris Potter le 21 mars, à 19 h 30, à la salle Claude-Champagne. Le 22 mars, à 11 h, à la salle Claude-Champagne, il donnera un cours de maître en composition.