Peu avant qu'un premier enfant naisse de leur union en mars prochain, Erika et Simon Angell présenteront sur scène la musique du maxi Black Matter, qu'ils ont engendrée récemment. Le plus sous-estimé des groupes indie anglo-montréalais sera-t-il enfin reconnu à sa juste valeur? Chose certaine, Thus Owls persiste et signe, quoi qu'il advienne.

Plutôt que de diluer son approche afin de plaire aux auditeurs moins aventureux et ainsi combler le déficit d'attention à son endroit, Thus Owls prend la direction inverse: cet indie-rock de chambre se montre encore plus avant-gardiste, plus recherché, plus complexe. Un concert en formation élargie en témoignera au Gesù, le 18 février, dans le cadre de Montréal en lumière.

Les chansons de Black Matter ont atteint un niveau supérieur de raffinement, notamment grâce aux apports substantiels des batteurs Liam O'Neill (Suuns) et Stefan Schneider (Bell Orchestre, The Luyas), ainsi que de l'arrangeur islandais Daníel Bjarnason (Sigur Rós, Ben Frost). Devant public, Thus Owls pourra compter sur les créations visuelles de Karl Lemieux (Godspeed You ! Black Emperor, Jerusalem in my Heart, etc.).

À sa juste valeur

Avant d'aller plus loin, un petit rappel s'impose: depuis 2007, Erika Alexandersson et Simon Angell forment un couple, une famille, un groupe. Après avoir pris mari (et nom de mari), Erika a pris pays officiellement il y a trois ans. Vu son talent exceptionnel, elle a été adoptée très vite par la famille élargie de Patrick Watson, dont elle est aujourd'hui l'une des choristes attitrées.

Simon, lui, a laissé le groupe de Pat Watson, dont il a été le guitariste pendant plusieurs années, afin de se consacrer entièrement à l'entreprise familiale. Non sans risques: malgré son succès d'estime et les qualités indéniables de ses concepteurs, Thus Owls a encore du mal à trouver son public, même après trois superbes albums (Cardiac Malformations, Harbours, Turning Rocks) et ce récent maxi.

Voici ce qu'en pensent les principaux intéressés, paisiblement attablés à un café du Plateau Mont-Royal: 

Simon: Plusieurs facteurs doivent être pris en considération pour expliquer cela. C'est complexe... Notre musique confond peut-être les gens, ce qui est aussi une bonne chose ! Car nous avons l'intention de poursuivre dans la même direction.

Erika: Notre musique a souvent été présentée dans un contexte inapproprié. Question de contexte, question de public. C'est délicat, car ça peut être jugé trop intello par les amateurs de forme chanson, et trop pop par les amateurs de musique contemporaine.

Entre deux mondes

Le vrai public de Thus Owls se situerait donc au carrefour de la mouvance indie et des musiques contemporaines plus poussées.

Erika: Nous lorgnons maintenant la musique instrumentale contemporaine, la musique électronique, des formes plus abstraites. Nous avons toujours écouté ces musiques, elles font partie de notre univers et nous avons envie de jouer avec des musiciens de ce type.

Simon: Avec Black Matter, nous voulions essayer quelque chose de neuf, choisir une instrumentation et des orchestrations inhabituelles pour nous. Nous avions un intérêt particulier pour les cordes, ce qui nous a menés à travailler avec Daníel Bjarnason, un compositeur islandais dont nous apprécions beaucoup le travail.

Erika: Nous voulons introduire dans notre affaire des sons insoupçonnés, inattendus, inspirés des musiques d'avant-garde ou contemporaines.

À l'évidence, ce territoire de transition entre la forme chanson et différentes musiques contemporaines sied parfaitement à Thus Owls. D'ailleurs, Simon et Erika sont loin d'être les seuls à ratisser cette zone.

Simon: En Islande, par exemple, on trouve des compositeurs et arrangeurs de musique contemporaine qui aiment travailler avec les artistes rock ou électro. Plusieurs d'entre eux sont regroupés au sein du label The Bedroom Community, comme Daníel Bjarnason. Dans cette même optique, une autre pièce de notre nouveau puzzle est le batteur Liam O'Neill [de Suuns].

Erika: Liam peut changer le son de sa batterie avec de l'électro. Idem pour Stefan Schneider. Lorsque nous jouons en trio avec lui, nous balançons des échantillons numérisés et nous réarrangeons les cordes et les voix afin que l'instrumentation soit jouée en formation réduite. En trio, nous nous rapprochons davantage d'une expression rock.

En formation élargie

Bref, le noyau de Thus Owls préconise un groupe à géométrie variable, pour des raisons qu'on imagine économiques. Cette fois-ci, le tandem s'adjoint une formation élargie.

Simon: Il y aura un choeur de trois chanteuses: Marie-Pierre Arthur, Adèle Trottier-Rivard, Lisa Moore. Il y aura le quatuor à cordes Mommies on the Run: Mélanie Bélair et Mélanie Vaugeois, violons, Ligia Paquin, alto, Annie Gadbois, violoncelle. Il y aura Samuel Joly à la batterie et aux bidules électros, Erika aux claviers et au chant; je jouerai moi-même guitare, basse et claviers. Nous serons dix sur scène, la musique sera très proche de ce que nous avons enregistré récemment, sorte de musique de chambre conçue à notre façon.

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Au Gesù le 18 février, 20 h, dans le cadre de Montréal en lumière.