Elle chante en français, met au monde un alter ego anglophone et aborde ses origines métisses: Geneviève Toupin mêle ses racines et fait pousser un grand saule nommé Willows sur son nouvel album.

Entre les branches de cet arbre, plus rieur que pleureur, la chanteuse franco-manitobaine cultive un folk habité et minutieux. Mais le «Willows» de ce disque homonyme ne se traduit pas par «saule»; il s'agit plutôt du nom d'un petit village fantôme de Saskatchewan. «C'est un endroit qui m'inspire beaucoup, qui représente bien l'ambiance de mon disque», dit la jolie musicienne en sirotant un thé au Placard Café, avenue du Mont-Royal.

Quelques compositions sont campées dans son ancien coin de pays, tandis que d'autres sont nées sur les autoroutes de la Californie. «Les plaines et le désert, ce sont deux endroits qui m'habitent, qui me "groundent". Ce sont des lieux un peu hantés, chargés d'histoire.»

Des chansons bilingues comme Valley of Fire et Stardust Motel ont trouvé une place sur la banquette arrière pour faire le chemin jusqu'à Montréal... et ainsi jusqu'à Willows.

Un projet collectif

Si Geneviève Toupin a fait le plein de strophes et de sons en vidant son réservoir d'essence, elle pige aussi tout près d'elle, pour ne pas dire à l'intérieur d'elle-même. Comme sur Au-delà des étoiles, où elle rend hommage à son père, avec qui «tout était possible», chante-t-elle. «J'ai beaucoup hésité à l'enregistrer, parce que c'était très personnel, dit la musicienne. Je manquais de recul, mais j'ai pu le faire parce que j'étais bien entourée, bien conseillée.»

Willows a ouvert ses bras à une dizaine de musiciens et de compositeurs de talent, dont le virtuose de la guitare André Papanicolaou (Monsieur Mono, Vincent Vallières, Daran) et la violoncelliste Marianne Houle (Monogrenade). La «folkeuse» Émilie Proulx, certainement l'âme soeur musicale de Geneviève, a quant à elle coréalisé les 11 pièces.

La complicité entre les deux jeunes femmes se manifeste dans le jeu des guitares, les harmonies vocales et les arrangements minutieux. Que l'album ait été enregistré en live ne gâche rien, bien au contraire. «Le premier disque d'Émilie a été un coup de coeur pour moi, et je me suis dit: "Un jour, on va travailler ensemble." J'ai cherché pendant longtemps un réalisateur pour le disque, mais j'ai compris que je regardais trop loin. On est amies, et c'était tellement naturel de travailler avec elle.»

Devoir de mémoire

Sur ce troisième disque, Geneviève Toupin a choisi de délaisser son nom francophone, qui coiffait sa première proposition, tout comme le pseudonyme anglophone - The Ocean Pictures Project - de son second opus. Willows, explique-t-elle, est cet alter ego qui l'ouvre sur son identité complexe. «Je ne me sens à l'aise ni en français ni en anglais; j'ai besoin des deux langues pour m'exprimer», dit-elle.

Ses parents ont été les premiers à défendre la place du français au Manitoba, dit Geneviève Toupin. C'est par eux aussi qu'elle a pu renouer avec ses origines métisses. «Mon père était plombier et se rendait souvent dans les réserves, alors que ma mère préparait le bannock», raconte la chanteuse, les yeux bleus illuminés par ces vieilles images qui défilent.

La pièce Entends-tu ?, chanson rassembleuse sur la filiation, se conclut avec quelques mots en ojibwé. «Jusqu'à maintenant, je tenais mon passé métis pour acquis, mais j'ai eu l'envie de le découvrir davantage, d'explorer un peu mon arbre généalogique, l'histoire de Louis Riel...», raconte Geneviève, qui laisse entrevoir sur son avant-bras un tatouage où s'alignent des caractères amérindiens. Devant un regard interrogateur, elle clarifie: «Ça signifie "Porter espoir".»

Pas étonnant que Willows soit ponctué de ces petits moments d'espoir, donc, au travers de grandes réflexions sur la vie, la mort et - sujet «inévitable» - l'amour. Le tout dans une facture folk, dans la veine des Neil Young et Richard Séguin, et avec une efficacité pop qui pourrait plaire aux puissances FM, même si «ce n'était pas une préoccupation pendant la création».

La chanteuse n'aurait rien volé. En 2011, elle instiguait une tournée des cafés socioresponsables avec un artiste invité chaque fois. La formule aura contribué à cette envie de partage et de collaboration au sein d'une jeune génération d'auteurs-compositeurs.

Le véritable envol pourrait se faire le 26 août, au Verre Bouteille. L'identité de Willows est multiple et la démarche de Geneviève Toupin, unique. Comme un grand saule hybride qui résiste aux vents. «Oiseau tonnerre, oiseau lumière, protège-moi, protège-nous», répète-t-elle d'une voix enivrante en milieu d'album.

FOLK

Willows

Willows

Prod. Sirènes des plaines

Sortie lundi prochain