Paul Daraîche est un rockeur qui s'est amouraché du country, tout doucement, sans coup de foudre. On parle du début des années 1960, il avait alors un band, Les Loups blancs; il grattait de la guitare, chantait aussi du Aznavour et du Brel...

Sa grande soeur Julie était barmaid au Rocher Percé, un bar gaspésien de la Plaza St-Hubert, et chantait du country. C'était l'époque de Marcel Martel, Paul Brunelle, l'époque des vedettes du genre. Or, ces stars dans leur milieu n'avaient pas de musiciens, sinon un guitariste et un violoniste. C'est comme ça que tout a débuté.

«Je n'aimais pas le country, mais j'avais un groupe, raconte Daraîche. Alors, je suis allé voir les responsables de l'étiquette Bonanza et leur ai proposé de jouer d'abord avec ma soeur, puis avec Brunelle et Martel. Et c'est comme ça que j'ai commencé, non seulement à les accompagner, mais aussi à réaliser leurs albums.»

Ce fut le clash de deux mondes. Daraîche et sa gang avaient les cheveux longs jusqu'au milieu du dos. Ils jouaient la moitié de la nuit, fêtaient et se couchaient tard. Les vieux cowboys, eux, rentraient en studio presque à l'heure où les jeunes fermaient les yeux.

«En fait, on était là à temps, mais c'est vraiment vers midi qu'on se réveillait. C'était fou, ces gens-là n'avaient jamais entendu un accord mineur; ils n'avaient jamais pensé à mettre des choeurs. Au début, on y est allé tranquillement, fallait pas trop les brusquer.»

Et peu à peu, le country est rentré dans ses veines, comme une dose. À force de réaliser les albums des autres, de les accompagner, de les fréquenter, il a fondé tout naturellement La famille Daraîche, avec tous les succès qu'on lui connaît. Mais en même temps, au cours des dernières années, les Daraîche, Isabelle Boulay, Laurence Jalbert, Patrick Norman, Richard Desjardins et tant d'autres ont conféré ses lettres de noblesse à ce genre musical jusque-là snobé et marginalisé.

Un genre qui n'est rien d'autre, en somme, que la chanson réaliste de chez nous. D'ailleurs, aujourd'hui, même un Lapointe se permet d'adapter en français un hit de Willie Nelson et d'en faire un succès.

«Ça a évolué, explique-t-il, comme tous les genres de musique. Plus de gens s'impliquent. Ils viennent de différents milieux. On fait maintenant du country-rock, du country-folk. Mais le country francophone traditionnel est fort. Il résiste aux changements qui, ici, sont plus longs à amorcer. Prends les disques, il n'y en aura plus dans quelques années, on le sait. Les magasins ferment partout. Or, je te garantis que l'univers country sortira des disques encore longtemps. Les fans sont des acheteurs d'albums. Le country, ce n'est pas web pantoute.»

En 2012, avec un album inattendu, Mes amours, mes amis, Daraîche a fait sauter la baraque. Gars de gang, il s'est entouré d'une brochette de chanteurs et chanteuses qu'on ne se serait pas nécessairement attendu à entendre là.

Depuis, il enchaîne les spectacles en salle et en plein air, court les festivals, et monte souvent sur scène, comme il le fera vendredi, sur l'Esplanade financière Sun Life du Parc olympique, dans le cadre du festival Montréal Country (du 27 au 29 juin), avec quelques-uns de ses camarades.

«Tout d'un coup, ç'a été comme une nouvelle carrière. En fait, c'est une nouvelle carrière. Je rêvais de faire mes plus grands succès avec des chanteurs pop que j'adore. J'avais dit ça en entrevue. Mario Pelchat m'a entendu et m'a appelé: non seulement, m'a-t-il dit, je voudrais être du projet, mais j'aimerais le chapeauter. J'ai dit oui, d'autant plus que maintenant que je le connais davantage, je peux affirmer que c'est le seul producteur intègre que j'ai connu.»

Aznavour

Ses idoles? Les mêmes qu'à ses débuts: Brel, Reggiani, et surtout Aznavour... Après Mes amours, mes amis, il y a donc eu Ces Noëls d'autrefois, un autre succès. Une des chansons sur l'album s'intitule Noël au saloon. Mais ce n'est pas pour parler des Fêtes ou de la prochaine tournée qu'il amorcera en décembre que j'aborde le sujet. C'est pour l'anecdote. Aznavour/Daraîche: quel clash!

«Aznavour, pour moi, c'est le plus grand, dit Daraîche. Je suis allé le voir au Festival de montgolfières. J'ai demandé à le rencontrer et j'ai passé une heure dans sa loge avec lui. J'ai découvert un homme merveilleux. De notre côté, avec Mario, on avait trouvé Noël au saloon, une toune country qu'Aznavour avait enregistrée il y a longtemps.»

Pelchat, prenant son rôle de gérant à coeur, a osé demander au grand Charles de la faire en duo avec Paul Daraîche. Et Aznavour a dit oui, sans hésiter. Sa seule condition: que l'enregistrement se fasse en Europe.

«Il voulait qu'on aille chez lui, à Lausanne, en Suisse. Finalement, il a pris le TGV jusqu'à Paris. On a passé la journée ensemble. Et on l'a enregistrée. Je ne le croyais pas. C'est mon idole. J'avais l'air d'un p'tit gars. Je le regardais et je pensais à tous ses amis, à Piaf, à tous ceux qu'il a côtoyés. Je pensais à Montmartre et sa bohème.»

Ça me surprend et en même temps, pas vraiment. Les rapports de Paul Daraîche avec le monde, les vedettes comme les autres, sont simples, directs, francs. Si les gens l'arrêtent quand il fait ses courses au IGA, il prend le temps de leur parler. Après ses spectacles, il passe une heure au moins à rencontrer ses fans, à se faire photographier.

Comme La Poune, il aime son public et son public l'aime... Ah! oui, avant de terminer: il y aura un Mes amours, mes amis, volume 2. Les artistes qui chanteront avec lui? «Ginette Reno, elle va faire l'album, confirme-t-il. Je veux aussi chanter avec Francis Cabrel et Johnny Hallyday m'a envoyé une toune!»

En chiffres et en date

> Né le 26 juin 1947 à Saint-François-de-Pabos, en Gaspésie.

> Il déménage à Montréal avec sa famille en 1956.

> À 10 ans, il achète sa première guitare.

> Il s'apprête à fêter ses 50 ans de carrière.

> À 17 ans, il joue avec son premier band, Les Loups blancs.

> Il a écrit plus de 325 chansons et réalisé plus de 300 albums.

> Il a vendu 150 000 exemplaires de son album Mes amours, mes amis.

> En carrière, il a vendu 1 850 000 albums (les siens et ceux de La famille Daraîche).

> Ces Noëls d'autrefois a été certifié disque d'or.

> En Europe, Isabelle Boulay a vendu 850 000 exemplaires de sa chanson À ma mère.