Premier lauréat du prix Polaris du meilleur album canadien de l'année (en 2006) sous le pseudonyme Final Fantasy, qu'il a abandonné depuis, Owen Pallett ne mène pas une carrière flamboyante. D'aucuns le préfèrent réalisateur, arrangeur ou violoniste accompagnateur auprès d'Arcade Fire. Cela dit, le Montréalais d'adoption peut remplir à craquer la Sala Rossa et y combler les fans de son nouveau répertoire, ce qu'il a fait aisément il y a deux semaines.

Plus de 90 minutes de chansons y furent singulièrement emballées par son trio (Robbie Gordon, batterie, Matt Smith, basse et plus encore). Plusieurs d'entre elles se trouvent sur son quatrième album, In Conflict, qui sera lancé mardi prochain sous étiquette Secret City Records.

Pour les mélomanes plus exigeants de la mouvance indie, la proposition musicale d'Owen Pallett est incomparable, condensé de musique contemporaine servi dans un contexte pop hautement créatif, le tout survolé par une voix aérienne et androgyne.

«Où suis-je exactement? Je l'ignore. Je fais beaucoup d'arrangements et de réalisation parce que c'est facile pour moi. Sur scène, je vis avec plus de difficulté. La création de chansons et la composition de musique me demandent beaucoup plus», confie le musicien, joint aux États-Unis entre deux concerts d'Arcade Fire avec qui il collabore depuis nombre d'années, en tournée comme en studio.

Arrangeur et réalisateur prisé

Son travail, faut-il le rappeler, est reconnu internationalement. Son style d'arrangements ou de réalisation a rehaussé moult productions, à commencer par celles d'Arcade Fire, mais aussi celles de groupes aussi prestigieux que Grizzly Bear, Pet Shop Boys, Beirut ou The National. Il est même permis de croire que notre interviewé figure parmi les plus grands innovateurs actuels de l'arrangement pop.

«Oui, j'ai un langage d'arrangeur-réalisateur et cela compte évidemment pour mon propre travail. Ainsi, j'ai essayé d'aborder différemment la création de chacun de mes albums; j'ai toujours essayé d'y mettre de l'avant de nouvelles idées. Une large part de ma musique s'inspire des musiques classiques et contemporaines. J'essaie de trouver des manières d'amener ces musiques dans mes arrangements pop. Plusieurs artistes pop de mon entourage sont fans de Xenakis [compositeur grec] mais ne savent pas comment intégrer son art au leur», explique le musicien. Inutile d'ajouter qu'il en est parfaitement capable!

Pas étonnant que Brian Eno ait participé à l'enregistrement d'In Conflict. «Il a fait des choeurs, joué des claviers et de la guitare. Discrètement mais... ça paraît lorsqu'il n'y est pas!», fait observer son employeur.

Owen Pallett refuse de se péter les bretelles pour autant: il ne croit pas que la connaissance accrue des musiques contemporaines dites sérieuses soit une garantie de qualité chez un compositeur.

«Certains arrangements pop indie ou rock indie sont peut-être simples mais peuvent s'avérer supérieurs en valeur artistique, signale-t-il. Mes musiciens préférés, qu'ils soient éduqués ou autodidactes, ont une approche intuitive de la composition. Dans la même optique, je reste sensible à la réaction d'amateurs qui n'ont aucune éducation musicale, qui ne rationalisent pas ce qu'ils entendent et manifestent leurs émotions.»

«La seule décision consciente faite dans cet album consistait à créer des chansons avec des notes qui n'appartiennent pas normalement aux mélodies vocales, poursuit-il. C'est assez évident dans les chansons Infernal Fantasy, The Secret Seven, On a Path ou Chorale. Il m'importait d'imposer un signifiant musical afin de créer une tension au sein de chaque mélodie. Une posture de non-sens, en quelque sorte.»

Nous voilà donc au coeur de... In Conflict, avec les explications du maître: «J'écris toujours en fonction de la chanson précédente et de la suivante; je veux qu'un album ait une cambrure, qu'une idée fondamentale se dégage de son répertoire et de l'ordre des chansons qui le constituent. Dans In Conflict, j'avais une séquence en tête et je m'en suis débarrassé afin de produire encore moins de sens. Je voulais choquer l'oreille, ce qui coïncide avec le thème général de l'album.»

INDIE ROCK

Owen Pallett

In Conflict

Secret City Records

> Sortie mardi prochain