L'objectif de Pierre Lapointe a toujours été de faire le grand écart entre culture pop et références pointues. L'univers de Punkt pratique cet art en version extrême, en empruntant autant à Cocteau qu'à Hello Kitty. Revoici le chanteur aux mille clins d'oeil.

«Tout est faux, là-dedans!» assure Pierre Lapointe avec un sourire désinvolte. Tenter de le cerner à travers les chansons de Punkt, album pétillant et touchant à paraître le 26 février, c'est faire fausse route, selon lui. «C'est du cinéma qu'on fait. Tout est étudié, rajoute-t-il. Ça manquerait d'authenticité de dire que ce disque est une quête d'authenticité.»

Punkt - avec un «t» - signifie «point» en allemand et c'était aussi le nom d'une galerie d'art et de design jadis située dans le Mile End, dont le populaire chanteur appréciait la direction artistique. Il a l'oeil, Pierre Lapointe. Même qu'il a d'abord songé à faire ce disque avec ses yeux: sa première idée était de créer un «projet pop» à partir d'un code de couleurs... «J'ai désenchanté assez vite, raconte-t-il toutefois, alors j'ai continué à écrire des chansons sans réfléchir.»

De l'impulsion initiale, il reste un riche univers visuel et un désir de liberté totale. Punkt est d'ailleurs un assemblage ludique de morceaux conçus «en se foutant de la chanson qui vient avant et de celle d'après». D'où ces chansons-blagues placées auprès de morceaux intimistes d'une simplicité pénétrante. Il faut aborder ce disque comme une sélection de toiles rassemblées le temps d'une exposition.

Pop culture

À travers ce collage de 16 chansons, Pierre Lapointe a le sentiment de développer une réflexion «très intense» sur la culture pop. Par «culture pop», il désigne autant l'esthétique de Disney, les photos sadomasochistes de Madonna époque SEX, Jean Cocteau (sur Les enfants du diable) que le thème antique de l'infanticide (la pièce Les remords ont faim, sur une musique de cabaret opératique). «Ce qui m'intéresse dans la cutlure pop actuelle, c'est souvent ce qui a été d'avant-garde et qui a été assimilé», précise-t-il.

«Maintenant, quand on pense à la culture pop, on pense généralement à des choses plus accessibles, reconnaît le chanteur. Mais tout ça reste du Pierre Lapointe. Je fais toujours un pas à gauche pour faire un pas à droite.» Traduction: ses chansons demeurent accessibles et accrocheuses. Pop, au sens commun du terme.

Punkt s'ouvre d'ailleurs avec une volée de confettis brillants: une pièce instrumentale intitulée N20 («C'est la formule chimique du gaz hilarant»), inspirée du thème musical de Sesame Street. Détail crucial: le morceau mêle des flûtes à bec au son métallique et chatoyant du santour iranien, «pour que les gens soient joyeux et surpris... et pas sûrs d'êtres certains.»

Étrange beauté

«Mon but n'est pas de faire des choses fuckées. Le truc fucké que je peux faire, nuance Pierre Lapointe, c'est de prendre des éléments qui ne vont pas ensemble et de les marier pour que ça ait l'air naturel.» L'essentiel de son boulot, c'est ça: amalgamer, recycler, juxtaposer et pour atteindre l'équilibre entre beauté et étrangeté. «C'est ma force et j'ai l'équipe pour le faire», estime-t-il.

Sur Punkt, Pierre Lapointe est de nouveau appuyé par ses deux fidèles arrangeurs Philippe Lapointe et Guido del Fabro, qui déploient une imagination et un doigté renversants chanson après chanson. Eux aussi sont bien entourés: Jean Derome, Michel Robidoux, Albin de la Simone et des dizaines d'autres musiciens et interprètes ont donné vie à leurs ambitieuses mises en scène sonore.

Que ce soit sur le plan musical ou sur le plan visuel, Pierre Lapointe est à la fois un agrégateur et une éponge. En une heure de discussion, il a détaillé une impressionnante liste de clins d'oeil contenus dans ses chansons et les courts clips réalisés par Alexandre Grégoire, de Jeff Koons à Matthew Herbert, du designer Eero Aarnio aux pubs de Charles Wilp. Ne manquait que Hello Kitty...

«Partout dans mon travail, il y a des références et elles ne sont pas innocentes», assure-t-il. Pierre Lapointe s'est gavé depuis l'adolescence d'images, de pièces de théâtre, de disques et de concerts. «Je commence à maîtriser l'influence de tout ce que j'ai ingéré, juge-t-il. Je commence à jouer avec ça.» Ça promet.