Vengeance, sixième album studio de Benjamin Biolay, est « taillé pour la scène », dixit son concepteur qui prévoit en jouer prochainement la matière devant public.

Contrairement à La Superbe, applaudi unanimement par la critique française à la fin 2009, consacré meilleur album de chansons/variétés aux Victoire de la musique en 2010 et dont la tournée subséquente ne s'est jamais rendue au Québec, celle de Vengeance devrait y faire escale durant la saison des festivals - en tout cas si l'on s'en tient aux intentions exprimées clairement par le principal intéressé...

«Je vais venir », affirme-t-il sans hésiter lorsqu'on lui suggère un passage aux prochaines Francos montréalaises... et sans que ce soit confirmé aux Francos après vérification.

L'objet de cet appel téléphonique n'en demeure pas moins cet album lancé récemment sous étiquette Naïve, ambitieux projet de 14 chansons comprenant plusieurs interprétations en duo. À ceux qui ont d'ores et déjà trouvé un manque de cohérence à l'opus multi-genres (coldwave, pop classique, chanson française, rock, hip hop, arrangements divers, etc.) et dont la vengeance s'avère plus que diffuse (puisqu'il s'agit du titre), voici ce que rétorque l'artiste français :

« C'est très éclaté, effectivement. Je n'avais pas envie d'un album monochrome, d'une collection de chansons cohérentes. J'avais plutôt envie d'invités qui se présentaient sur mon chemin. Par exemple, j'ai passé beaucoup en studio avec Vanessa Paradis - dont j'ai réalisé le nouvel album. À un moment, elle a entendu ma chanson Profite; elle a trouvé ça joli, elle a chanté.  Avec les autres (Julia Stone, Carl Barât, Gesa Hansen, etc), ça s'est fait aussi naturellement sauf dans le cas des rappers - Orelsan et Oxmo Puccino, avec qui je n'avais pas encore collaboré. Avec Oxmo, c'était bien de se relâcher, ne pas faire une chansons très sérieuse. J'assume ce côté pop, un peu hip hop, un peu groovy à l'ancienne... j'ai 40 ans, non? »

Selon Biolay, le fil conducteur de cet opus, certes le plus attendu en France cette année côté pop, se révélerait hors du studio :

« On peut le voir sous cet angle : Vengeance est vraiment taillé pour la scène, je peux en jouer les chansons dans l'ordre. Sur scène, d'ailleurs, m'accompagneront sensiblement les mêmes musiciens ayant participé aux sessions d'enregistrement. Nous avons répété et donné des concerts informels, ça s'est mis rapidement à bien se passer. Donc oui, j'avais une vision plus live des choses et je la revendique.

« Vengeance, estime-t-il en outre, est comparable à mon troisième album, À l'origine, car il demande un peu plus de temps à être décodé. Il faut tout de même rappeler que La Superbe était aussi très éclaté mais présenté comme un album double; avoir pu le monter sur deux faces a fait vachement mieux passer la pilule. »

À compter de mars 2013 tourneront avec Benjamin Biolay, Denis Benarrosh, batterie, Nicolas Fiszman, basse et guitare, «virtuose exceptionnel», le «vieil ami» Pierre Jaconelli, guitares. « Je ne dis pas qu'ils sont mes musiciens, ce sont des musiciens avec qui j'ai la chance de jouer », croit sincèrement leur employeur qui n'exprime aucune crainte de transposer sur scène les arrangements très variés et non moins fastes de Vengeance : « Les climats, estime-t-il, doivent être respectés. Changements de nuances, couleurs, lumières... Toutefois, si j'ai habillé une chanson en studio, ce n'est pour la jouer ensuite toute nue! »

Quant au titre de l'album, il inspire le côté sombre du personnage, ce fiel qu'il a déjà déversé sur ses rimes ou extirpé de sa libre pensée. Après écoute, les propos tenus dans les 14 nouveaux titres ne sont pas particulièrement revanchards, bien que pas toujours hop-la-vie. L'auteur y règle-t-il plutôt ses comptes avec son propre négativisme? Sauf exception, s'y venge-t-il de la vengeance ?

« Hum, pas bête du tout, répond l'interviewé. Oui, il y a une envie de bonnes vibrations. J'aimerais bien être de moins en moins sombre en tant qu'auteur de chansons... De toute façon, je vais rester moi-même...» Rester soi-même, effectivement, c'est aussi soulever l'ire du Front National (parti d'extrême droite) en écrivant « La vengeance est un plat qui n'a plus nul goût tiède, que certains mangent froid comme Stirbois s'est mangé son cèdre »...  Le Jean-Pierre Stirbois en question fut jadis secrétaire général du FN et... décédé dans un accident de voiture en 1988. Et paf.

Quant aux démentis de ses hypothétiques relations intimes avec Carla Bruni et Vanessa Paradis, ils ont été formulés bien avant cette conversation... et pas question d'y revenir sauf un commentaire général sur le journalisme à potin :  « Ces professionnels qui te débusquent et qui enquêtent sur ta vie privée sont généralement incapables de parler musique. À la limite, ils peuvent te parler de marché et ça ne m'intéresse pas non plus. Oui, les grands-parents de ma fille sont Deneuve et Mastroianni, j'assume complètement. Bien sûr, je fréquente des gens connus... mais je ne rédige pas de communiqué de presse pour y raconter ma vie personnelle. »

Outre sa propre musique, Biolay préfère de loin causer de Jack White, Jon Spencer, Scott Walker ou même de John Zorn qu'il admire. Ne sent pas non plus le besoin de rappeler ses faits d'armes au cinéma, notamment le premier rôle qu'il a campé dans le film de Katia Lewkowicz, Pourquoi tu pleures ?

Douce vengeance?  Encore là, pas tout à fait, puisque le commentaire est assorti d'une conclusion nuancée : « Pas le droit de se plaindre quand on fait le métier qu'on rêvait d'exercer depuis l'adolescence. J'en parlais à Isabelle (Boulay) lorsque je suis venu réaliser son album chez vous l'an dernier. Putain on a de la chance! Et lorsque la chance présente, il ne faut pas la refuser. »