Mathieu Lescop a fait partie d'un groupe punk-rock pendant une quinzaine d'années. Il avait franchi le cap de la trentaine lorsqu'il a quitté La Rochelle pour s'installer à Paris. Il y a entrepris une carrière solo en cuisinant manière coldwave. Chansons tendues, nocturnes, hypnotiques, frigorifiques, addictives.

Éloge des aliments surgelés ? Le lien esthétique avec New Order, Bauhaus et autres Cabaret Voltaire est évident, notre interviewé en convient. À la veille d'un spectacle à Montréal qui coïncide avec la sortie d'un album sans titre, le principal intéressé assume et se défend de faire dans le... réchauffé.

«C'est inspiré de... et tu ne peux rien créer sans t'inspirer de quelque chose. Je ne fais donc pas de revival. L'idée est de bien marquer ses références, de s'en dégager et trouver l'équilibre. Je crois en ce sens qu'il soit possible de prendre quelque chose là où ça s'est arrêté et essayer de continuer. Et puis... il n'y a que très peu de matériel de ce type écrit en français depuis Taxi Girl et Étienne Daho.»

Du punk à la coldwave, de la vie en groupe à la carrière solo, donc.

«Avec le groupe Asyl, rappelle Lescop, j'ai fait deux albums. Aujourd'hui, je me sens trop vieux pour être dans un groupe. À vingt ans, c'est bien d'avoir une bande de copains, on a besoin de l'énergie des autres. Au bout d'un moment, toutefois, chacun a son idée de ce qu'il faut faire et... au lieu de devenir une addition, ça devient une soustraction. Ce qui était une synergie était devenu un compromis.  Entre le compromis et la compromission, il n'y a qu'un pas...»

Mathieu Lescop a aujourd'hui 33 ans, assez réputé pour faire les choux gras des Inrocks - numéro du 9 octobre. Le principal intéressé voit d'abord dans sa nouvelle allégeance coldwave une méthode de création.

«Cette façon de faire consiste à aborder des idées un peu complexes et essayer d'en faire une synthèse exprimée en trois minutes environ. À y greffer aussi des influences un peu littéraires, un peu cinématographiques, mais dans un format chanson. Cette manière de créer des chansons était très présente dans les années 70 et 80. Bowie et le Velvet avaient préfiguré cette vague, il faut dire. Aujourd'hui, j'essaie d'en reprendre la méthode et la remettre aux goûts du jour.»

Et comment cuisine-t-on les meilleurs plats surgelés en 2012 ? Le chef explique. «Le texte est un socle sur lequel tu peux poser ce que tu veux. Ainsi, je pars avec un titre ou une phrase et je me demande ce que peux en faire - il y a toujours une ligne au départ tirée d'un de mes nombreux carnets. Le sens de la chanson s'installe au fur et à mesure que la forme s'installe, que les nouveaux mots s'ajoutent aux premiers. C'est le processus. Il y a bien sûr ce révélateur du texte :  la musique. Sans elle, le texte pourrait sembler sans intérêt.»

«Autant que possible, j'essaie de composer la musique à la basse, afin d'obtenir un truc assez neutre. Après quoi Gaël Étienne complète aux guitares et Johnny Hostile en précise l'esthétique. Français basé à Londres, aussi membre du duo John & Jehn, ce dernier est un obsédé de la forme, il aime travailler avec des gens qui lui suggèrent du fond. C'est pour ça qu'on s'entend très bien. Il sait donner une gueule à chacune de mes chansons.»

Gueule d'atmosphère, il va sans dire...

Lescop se produit ce mardi, 19h30, à la SAT, dans le cadre du festival OohLaLa. Les formations Housse de Racket, Citizens et Tomorrow's World sont du même programme.