En 2005, la Compania Antonio Najarro, alors appelée Talent Danza, a débarqué au Festival international de jazz de Montréal pour une dizaine de représentations à guichets fermés. Des danseurs intenses, un étonnant flirt entre danse espagnole et tango: le charme a opéré. De retour au Festival, la compagnie madrilène présente, à compter du 30 juin, Jazzing Flamenco, et transforme la scène du TNM en sémillant club de jazz.

«Ce spectacle, c'est ma vision d'un night club, où l'on vient écouter du jazz, du blues et du soul. L'ambiance est élégante, glamour même», explique le chorégraphe Antonio Najarro, qui s'allie ici à onze danseurs, une chanteuse et cinq musiciens - guitariste, violoniste et percussionniste, mais aussi pianiste et contrebassiste.

 

D'ailleurs, avant de convoquer le moindre danseur en studio, Najarro s'y est enfermé, en compagnie du compositeur Fernando Egozcue. «Nous avons passé un mois seuls à faire des recherches sur l'histoire des différents styles de musique, puis à trouver les harmonies et les accents nécessaires à chacun des numéros», raconte ce perfectionniste, qui évite ainsi le piège du collage musical - pari réussi dans Tango Flamenco, dont la musique avait la richesse d'une bande sonore de film.

En outre, Najarro titre certains des huit tableaux dansés de Jazzing Flamenco, Rhapsody in Blue («Des femmes dansent avec des éventails, tandis que la chanteuse la joue blues et soul»), Ragtime («Un numéro très puissant, macho même, en hommage à la rue, racines du flamenco et du jazz»), ou encore Buddy Bolden, du nom du cornettiste afro-américain (1877-1931) reconnu comme un des fondateurs du jazz.

Polyvalence

Pour la danse, comme pour la musique, la fusion des genres doit être fluide. «Pas question de placer un danseur de flamenco à côté d'un danseur oriental et d'appeler ça de la fusion!» lance Najarro, dont les interprètes maîtrisent plusieurs techniques. «Dans Jazzing Flamenco, il y a des touches de danse classique espagnole, de flamenco, de danse moderne, de folklore, de jazz...» ajoute celui qui se réclame moins du flamenco puro gitan que de la danse classique espagnole, un genre plus stylisé et théâtral, qui emprunte autant aux codes du ballet qu'au flamenco.

Najarro attribue la faveur du public à cette polyvalence: Jazzing Flamenco a été présenté en France, en Espagne, en Turquie et tournera, après Montréal, aux États-Unis et au Japon. «Ne présenter que du flamenco risquerait d'ennuyer», ose-t-il avancer, très conscient, cela dit, qu'il ne veut pas sacrifier son intégrité artistique à l'autel de la popularité (il cite le cas du danseur Joaquín Cortés, dont les collaborations avec Jennifer Lopez et autres divas alimentent la presse people).

Chorégraphe... pour des patineurs

Pour jouer de sa visibilité, Najarro passe plutôt du côté du patinage artistique: en 2002, il a signé la chorégraphie qui a mérité aux danseurs sur glace Anissina et Peizerat la médaille d'or aux Jeux olympiques de Salt Lake City et a collaboré avec le patineur suisse Stéphane Lambiel. «Je crée aussi pour Champions on Ice», ajoute celui qui est en lice pour reprendre la direction artistique du Ballet National d'Espagne, poste occupé jadis par deux de ses modèles, José Antonio Ruiz et l'icône Antonio Gades. «C'est très flatteur, cette proposition, surtout que je n'ai que 33 ans! Mais je ne sais pas si j'accepterais parce que j'ai encore beaucoup à faire avec ma propre compagnie.»

Jazzing Flamenco de la Compania Antonio Najarro, du 30 juin au 11 juillet au Théâtre du Nouveau Monde.