Patrick Bruel n'a pas mis de temps à dire son bonheur de vivre l'aventure symphonique avec l'OSM et le chef Simon Leclerc, hier soir. Il venait tout juste de chanter L'Italien de Serge Reggiani, entamée a cappella et sans micro depuis l'arrière de la Maison symphonique, qu'il a parlé de partage et d'émotion, lui dont la première prise de contact avec l'orchestre montréalais n'avait eu lieu que la veille.

Pourtant, quand on a annoncé ce concert de la série OSM Pop en mars 2015, ça n'augurait pas très bien. Bruel s'amenait à Montréal avec dans sa valise les orchestrations de son pianiste Benjamin Constant pour le concert bouleversant qu'il venait de donner à l'Opéra Garnier de Paris au lendemain de l'attentat de Charlie Hebdo. Or Simon Leclerc a l'habitude de réorchestrer lui-même le répertoire des artistes populaires invités à chanter avec l'OSM et il y avait un peu de tension à la Maison symphonique ce jour-là. 

Pourtant, quand Bruel, en deuxième partie de programme, a remercié encore une fois Leclerc, dont l'enthousiasme lui a permis d'aller dans des zones qu'il connaissait moins, ce n'était pas de la frime. L'instant d'avant, il s'était permis pour la première fois de la soirée, pendant J'te mentirais, de jouer du piano, un instrument qui était au coeur de son concert symphonique à Paris. Le chanteur nous le prouvait depuis le début de la soirée, il avait fait le pari de se confier entièrement à cet excellent orchestre.

Un pari dont il ressortait gagnant, tellement l'OSM tout entier mettait en valeur ses chansons, depuis le violon mélancolique d'Olivier Thouin dans Pourquoi ne pas y croire, une chanson récente sur le thème du vivre-ensemble, jusqu'au solo de violoncelle prenant pendant Dis, quand reviendras-tu? et au dialogue des cuivres et des vents dans Alors regarde.

Mais c'est quand Bruel et Leclerc ont eu la bonne idée de nous livrer leur version originale de La complainte du phoque en Alaska, avec pour unique accompagnement un quatuor à cordes, qu'ils nous ont tous bluffés. Mémorable.

Après avoir chanté des airs de La Traviata et de Tosca à l'Opéra Garnier, c'est dans Nessun dorma de Turandot que Bruel s'est lancé sans filet hier soir. Le chanteur populaire s'est tout à coup métamorphosé en un ténor méconnaissable qui s'est empressé de remercier pour son indulgence le public qui l'ovationnait. Tout de même, deux morceaux de robot pour l'audace. 

Tout au long de ce concert exemplaire, Bruel a pigé dans son sac de classiques, les siens propres, évidemment, en plus de ceux de Reggiani, Brel - une Jef très théâtrale -, Aznavour, Beau Dommage et Barbara, dont les quatre chansons au programme annonçaient le retour prochain du chanteur chouchou des Québécois avec le spectacle qu'il consacre à la dame en noir.

En attendant, Patrick Bruel remet ça à la Maison symphonique ce soir et demain. Ses fans seraient mal avisés de ne pas y accourir si, par miracle, il restait encore des billets.