Rihanna, star de la pop-r'n'b, icône mode et jeune ambassadrice culturelle honorifique de sa Barbade natale, a trimbalé son cirque apocalyptique jusqu'au Centre Bell, samedi soir, pour présenter Last Girl on Earth Tour, un concert sombre, bardé de chorégraphies et d'effets scénographiques provocants et divertissants.

Sept musiciens, six danseurs, deux choristes, des numéros d'acrobates, un gros char d'assaut rose et un écran géant: sur la scène du Centre Bell, on avait mis le paquet pour le concert de la jeune demoiselle qui a connu une dernière année plutôt mouvementée.

La sortie de son quatrième album solo, Rated R (le titre est déjà indicatif du ton de la soirée), s'est faite dans la foulée des accusations portées contre son violent ex-petit ami, Chris Brown. L'accueil, mitigé, de ce nouvel album a débouché sur cette tournée musclée, mais néanmoins victime de la crise de l'industrie du spectacle: plusieurs dates prévues ont été annulées dans les dernières semaines, faute de clients. Samedi soir, ils étaient 12 369 fans à être venus applaudir la chanteuse, à sa première présence à titre de tête d'affiche à Montréal.

Ainsi, la jeune chanteuse a semblé s'être inspirée du drame qui l'a touchée pour nourrir les propos sombres de ce récent album aux sonorités opaques et rigides; tout récemment, elle en a remis une couche (de trop?) en participant au tournage du clip de la chanson d'Eminem Love the Way You Lie, mettant en scène un couple (Megan Fox et Dominic Monaghan) dont la bisbille frôle, justement, la violence conjugale...

Or, côté atmosphère, au Centre Bell, nous étions bien loin des bombes pop-dancehall des débuts de Rihanna, les ensoleillées Pon de Replay, S.O.S. ou Let Me. La pop futuriste de fin du monde, ainsi mise en scène pour les besoins du concert, était aussi sexy que glauque, alors que la belle Rihanna paradait dans des lambeaux ou dans du latex, soulignant à la fois le côté charnel et menaçant des propos de son nouvel album.

Après une vidéo d'ouverture, Rihanna est apparue du fond de la scène sur un plateau mobile, lequel, une fois au centre de la scène, s'est élevé vers le plafond. Vêtue d'une ingénieuse robe à lumières LCD, elle a interprété l'aigre-douce Russian Roulette, premier extrait de Rated R. Pour Hard, du même album, la chanteuse a enfourché le canon du char d'assaut rose placé à droite de la scène, et mis un chapeau Mickey Mouse sur sa tignasse rouge. Pas très subtil, tout ça, mais efficace.

Entre dance, pop et rock, Rihanna a déboulé ce concert rodé au quart de tour, passant de la scène principale à la petite scène amovible au bout de la passerelle - pour la chanson Shut up and Drive, elle a fait monter un jeune admirateur qui a frappé la carrosserie de voiture du décor à l'aide d'un bâton de baseball!

Les chansons accrocheuses ont permis à l'atmosphère de se détendre: Rockstar 101 et Rude Boy, accueillies avec les cris d'usage. Puis, le temps mort du concert: une enfilade de ballades non mémorables, Rehab, Unfaithful, Stupid in Love, avant le succès aux relents de pop latine Te Amo (pendant un grotesque numéro d'acrobatie, avec les athlètes pendues à de grosses mitraillettes...).

En voix, en forme, et même avec le sourire, Rihanna a fait preuve d'un professionnalisme exemplaire. Elle chante bien, danse bien et semble s'amuser dans son décor de rêve et de cauchemar. La finale de la soirée valait à elle seule le prix d'entrée: énorme Please Don't Stop the Music, meilleur moment de la soirée, suivie de près par les autres bombes Let Me et S.O.S. La ballade Take a Bow était un choix étrange, mais finalement bienvenu, pour clore le spectacle. Elle a ainsi permis aux fans de reprendre leur souffle avant le rappel coup de point, qui s'est évidemment terminé par son plus grand succès, Umbrella.

En première partie, la chanteuse pop Ke$ha a offert une performance embarrassante tellement elle a été maladroite. Piètre danseuse, l'auteure, compositrice et interprète a enfilé les chansons de son premier album, Animal, qui l'a propulsée au sommet des palmarès à la faveur de l'imparable Tik Tok, bombe pop aux couplets rappés qu'elle a offerte à la toute fin de son tour de chant. Sous les cris des jeunes fans, bien sûr, qui ne semblaient pas s'être lassés de ses costumes au goût douteux - la demoiselle qualifie son style vestimentaire de «garbage chic»... - et de ses chorégraphies d'amateur.